La forge

La femme de ménage passait, le balais en main, le seau de l’autre, le regard bas, elle pénétra dans l’entre. D’un frisson, elle comprit la présence et l’entendit surtout, à battre le fer. Le visage fermé, les épaules contractés, elle ne salua pas même Eaewacer tandis-ce qu’elle s’occupait d’occire la poussière de ses lieux et les sciures métalliques et autre. C’était un vrai bizarre sur le sol, même tout petit qu’il était et ne posait sans doute pas problème ici.

Les cheveux roux attachés dans un noeuds noueux, la novice ne se les entraînaient pas. Et elle avait activé ses yeux de sorceleurs, jaunâtres, comme pour passer inaperçue derrière son..Ead ?

Entendant quelqu'un entrer, il regarda, pour découvrir Violette qui se présentait, avec un balais et un seau. Il frappa alors de toutes ses forces le marteau sur l'enclume, brisant son manche, et envoyant voler la masse dans l'âtre. Elle aurait pu se faire mutiler, exécuter, voire pire, pour sa bêtise. Qu'est-ce qu'il serait devenu ? Il aurait sûrement tué quelques gardes en représailles, et serait mort lui aussi. Elle avait été égoïste dans son erreur.

"Comment tu as pu faire ça ?", demanda-t-il, en colère sur son amante.

- ...

Au bruit assourdissant, elle serra son balais et s’immobilisa. Elle ne daigna pas lever la tête. Eadwacer lui criait réellement dessus ?

- Comment faire quoi, avoir essayé de rester dehors et que l’horreur me prenne lorsque tu es entré LÀ BAS ? Toi comment tu as pu faire ça ?! Tu ne t’ai même pas retourné, tu es resté.. RESTÉ plusieurs heures ! Je pensais que c’était une auberge..

Son visage n’exprimait qu’un certain dégoût d’égoïsme. Fusse-t-il pour ses actes à elle ou à lui. Un instant, et elle reprit son manche de plus belle pour continuer d’astiquer,

"Je n'ai rien fait dans cet endroit dégueulasse, moi ! J'ai juste interrogé une prostituée, elle m'a dit énormément de choses intéressantes à propos de ses clients ! Tu aurais pu la tuer, tu sais ? Tu te rends compte de la portée de tes actes ? Tu te serais fait exécuter !", répliqua-t-il furax. Il laissa tomber le manche qu'il avait dans les mains.

"On a déjà une assez mauvaise image de nous, et tu te permets d'agresser plusieurs personnes, vraiment ?", s'écria-t-il après une courte pause.

Un rire âpre sortit de la gorge de la jeune fille à l’entente de ses paroles.

- Oh oui.. parce que tu sais ce qui est dégueux pour mon cas et ce qui ne l’est pas alors que tu n’étais pas avec moi ? Tu m’attaques moi, pourquoi pas Lynos ? Tu sais pas combien ça a été dur pour moi. Toi.. toi tu étais avec toute ces filles là, c’est sur que c’est beaucoup plus informatif que les tavernes !!! ET ce gros gros.. de Lynos là, je m’étais résolue à rester dehors mais j’ai eu le malheur d’avoir eu envie de te rejoindre et là.. et là tu sais ce qu’il a fait ? Oui oui, lui comme toi, lui qui voulait aaaaaabsolument informations oui oui, ce que les prostitués là, elles donnent.. il s’est collé à moi.. ! POURQUOI T’AS CONTINUÉ À AVÀCER LÀ DEDANS, TU SAVAIS CE QUE C’ÉTAIT ! ÇA NE T’A PAS PARRU.. PARRU.. NON !

La tuer ? La tuer elle ?! La prostituée ? C’est ce qui lui importait vraiment le plus ? Elle n’avait pas agressé plusieurs personnes. C’était du jolie la confiance, elle lui avait finalement fait confiance, mais elle ne comprenait pas. A aucun moment il n’avait dû penser à elle, et elle, c’est pour ça qu’elle avait décidé de ne pas laisser Lynos se faire exécuter plus que ça et de le suivre pour retrouver Ead ! Visiblement elle n’était pas là bien venue, c’était évident, alors pourquoi ne lui avaient il rien dit ?! Ses yeux jaunes alternaient avec ceux de bases violets. Des larmes douloureuses perlaient aux coins de ses yeux et elle laissa tomber le balais au sol. Elle prit le seau d’eau à deux mains, propre, et y plongea le visage jusqu’aux oreilles pour évacuer tout ça.

"Je sais que je n'aurais pas dû entrer seul, mais vous auriez fait tout raté ! Je n'ai jamais eu l'intention de me servir de ces pauvres filles, elles viennent du même type d'endroit que moi ... J'ai eu une piste sur un noble corrompu à Seig Lyn en m'enfonçant dans cette crasse ! Tu ne penses pas que j'ai pris sur moi là-dedans, pour ne pas battre à mort les dégueulasses qui s'y trouvaient ? Quand à Lynos, j'en ai rien à foutre de lui et de sa connerie. Il paiera en temps et en heure. D'ailleurs je veux que tu me racontes ce qu'il s'est vraiment passé, je te croirais, moi.", finit-il, un peu calmé par l'accès de colère de Violette.
En voyant les larmes perler aux coins de yeux de son amante, il commença à se triturer les mains.

- Je ne servais à rien ! Très bien, il fallait me le dire je serais restée à Kaer !! Le fait est que tu es entré comme si ça avait été le cas ! Tu ne t’ai pas dit que ça aurait évité que chacun prenne sur soi, qu’il y ai bien tracas, si on s’était rendu dans une auberge ?! Tu n’étais pas obligé de t’y enfoncer et tu ne connaissais pas Lynos dont tu n’en a « rien à foutre »: alors pourquoi tu n’as pas fait demi tour ?! Tout rater.. rater quoi.. Aaahhhh..sinon se faire sortir et être humilier comme la dernière fois; c’est ça qui t’a fait peur ?! Et tu voulais te battre contre les nobles et libérer les demoiselles en détresse comme un chevalier ??! J’pensais qu’on allait être ensemble, et même après.. nous on était en prison et toi sur la piste de ce noble il.. t’a plus intéressé que nous.. tu ne t’es pas.. soucié de moi ? Moi j’avais peur pour toi.. j’avais besoin de toi.

Violette n’expliqua en rien des détails, elle essuyait son visage refroidit par l’eau qui lui avait donné plus de logique mais pas moins de tristesse et elle essuyait ses yeux humides de larmes mêlés à la mélasse de sa condition. Elle détourna son regard vers la lueur dehors et reprit son balais au sol pour aller « épousseter » leur épée. Or le balais avait traîné dans la poussière donc l’épée fut poussiéreuse en guise de nettoyage. Le manche était dans sa main droite et la gauche avait glissé le long du manche pour être proche de la paille, comme si elle brandissait une lance.

"Vous ne serviez pas à rien, mais si vous aviez insisté pour entrer alors que vous êtes trop jeunes, en m'accompagnant, on m'aurait dégagé en même temps que vous. Que tu le veuilles ou non, c'est l'endroit parfait pour apprendre des choses sur le crime dans une ville. Et maintenant j'ai la connaissance d'un noble qui était au courant de l'attaque des Haakis. Tu ne crois pas que c'est un peu important pour moi, de prouver son crime ?", demanda-t-il en tapant le sol avec sa jambe de bois.

Il croisa les bras. Même après des années, la rage était toujours là.

- Donc nous ne servions à rien, tu peux le dire. En rien nous n’avons aidé ton enquête. Il fallait préciser; pour ce qui est des haakis, oui, c’est bien plus important que tout le reste et c’est personnel. Tu songeais à ce but comme moi de retrouver ce nain, bien que ce ne soit pas le même niveau.

Eadwacer était fermé. Violette  aurait pu se faire violé en prison qu’il aurait continué son office sans sourciller. Comprenait-elle ? Son regard tomba sur sa jambe de bois, et il se releva jusqu’à son visage, avant de poursuivre son ménage.

- Lynos m’a fait passé pour son garde du corps, sa petite amie, une folle. Au cas où c’la t’intéresserait toujours.

"Sur le moment, vous ne serviez à rien. Mais je comptais vous demander de m'aider à enquêter !", répliqua-t-il. Il la suivit du regard alors qu'elle reprenait son ménage.

"Je vais m'expliquer avec Lynos, crois-moi.", fit-il en serrant les poings.

- Sauf que tu ne nous a pas vu alors tu as continué. Qu’est-ce que tu as eu comme autre information ? Personnellement, j’ai constaté les masques que portaient les gens pour s’en sortir et mon humilité: enrichissant.

Son regard s’en retourna à sa besogne et elle reposa leur œuvre vaniteuse et poussiéreuse sur la table.. c’est comme si elle n’avait jamais servi et ceux depuis un temps immémorial.

- Certes.

"Je me disais que vous étiez probablement partis faire un tour, je sais pas ; je ne pensais pas que ce qui s'est passé pouvait se produire, surtout avec toi ... Tu aurais pu souffrir toute te vie à cause de tes actions. Je ne voulais pas vous abandonner, mais c'était trop important ...", concéda-t-il enfin.

- Oui. Mon cœur a prit le pas sur la raison.. et le seigneur sait que ma raison n’a jamais volé haut, je suis tombé du nid. Mais il ne me laissa pas mourir et voulu forger ma raison, autre que ma détermination. Au jours d’Hui, je suis esclave de ma condition de sorceleuse et l’ordre naturel c’est la raison avant toi et avant tout. Faire le ménage est plus important. Sa placidité était hors norme.

Il s'avança pour prendre le manche à balais d'une main, posant l'autre sur l'épaule gauche de Violette.

"Au moins, je suis sûr que le château va être propre", tenta-t-il un trait d'humour.

Elle retint le manche du balais dans sa main alors qu’il essayait de le lui subtiliser, bourru avant l’âge.

- Je fais l’extérieur, même le muret, mais ça n’en vaut pas la peine. La prochaine fois je me fait des concoctions dans le laboratoire et j’y balaie, même si je sais toujours pas comment faire et il me faudrait une potion hirondelle... Énonça-t-elle

Il ne voulait pas lui subtiliser, juste arrêter son mouvement. C'était à elle de nettoyer le château, elle l'avait mérité.

"Tu pourrais venir balayer ici plus souvent, aussi.", fit-il toujours dans son dos, venant déposer un baiser sur le haut de sa tête.

La jeune fille déposa le balais contre l'angle de la table. Elle laissa un silence passer.

- C'est vrai que c'est très bordélique ici. Peut-être y aurait il des objets encore plus insolites..et fait "insolite", mes cheveux ne sont pas très propres.

Ses bras se croisèrent, ne se retournant pas.

Il se recula un peu, ne voyant pas de réaction. Un peu vexé, il la toucha du doigt, sur le flanc.

"Oh, c'est bon, hein ... Peut-être que la forge a besoin d'une présence féminine... aux cheveux sales.", ironisa-t-il, tentant de réchauffer l'atmosphère.

Finalement elle se reculera aussi pour poser son crâne contre l’épaule du jeune homme. Au touché elle décala son flanc vers le côté opposé, sa main attrapa celle qui en était la cause pour l’attirer devant elle.

- C’est juste la forge qui en a besoin ?

Il placerait sa main libre contre sa tête, la caressant.

"A toi de me le dire."

Violette remontera sa main pour la passer sur, puis sous le bras d'Eadwacer, y posant ses doigts proche de son cou.

- Non.

Elle se grandit avec l'aide de cet appuit et lui déposa un baiser sur les lèvres, parce qu'elle en avait envie. Mais son regard hésita quant à cette initiative, par la suite.

Elle n'eu pas le temps de lâcher un soupire qu'il l'acceptait finalement. Son cœur battait fort dans sa poitrine et il semblait bien que les morceaux qui s'étaient fissurés s'unissaient de nouveau. L'union et, au delà du soulagement, la joie l'emportait face à l'humilité et elle garda ses iris dans les siennes, d'abords grands ouverts et surpris un instant, puis relâché comme son corps. Violette était brouillée, tant qu'elle ne respira pas, pas même par le nez. Ce fut la seule raison pour laquelle ses lèvres durent se décoller de celles du jeune homme, pour respirer, reprendre son souffle haletante où elle n'entendait rien.

La novice resta face à lui, proche ou très proche. Son corps ne semblait plus répondre que pour respirer, et elle trouva judicieux de s'appuyer a son balais, confuse de tout cela et de toute cette histoire.

C'était un homme que Eadwacer connaissait très bien qui apparut : son maître forgeron, Balac Smiss.

- Ha, quelque chose ne va pas Ead ?

Demanda-t-il, perplexe, se grattant la barbe, apparemment assez ingénu pour ne pas comprendre ce qu'il se passait ici.

Se retournant violemment vers la porte, un air un peu honteux au visage et les signes évidents d'un amour sans failles entre les jambes, il ouvrit plus grands les yeux.

"Non, aucun problème, monsieur Smiss.", répondit-il, penaud.

L'entrejambe de l'élève, ce n'était pas ce que le forgeron regardait. Sans se poser plus de questions que cela, il entra dans la forge, et s'avança vers l'atelier.

- Ah bon bah s'tu le dis. Une camarade intéressée par la forge ?

Demande-t-il ensuite, une voix emprunte de bonhomie.

Dès qu'Ead se retourna, il donna un coup d'épaule à Violette qui s'éveilla un peu, mais qui gardait sa langue dans sa poche. Elle resserra ses mains sur le manche de son balais pour regarder dans la direction de la voix. Retournée à côté d'Eadwacer, la jeune fille regarda avec admiration le maître forgeron. Décidément, l'humilité c'était soustrait, et de son index, elle pointa l'épée qu'elle avait rendue poussiéreuse.

- Regardez donc, j'ai fait c'la avec lui !

Reprenant sa respiration, elle fit un grand sourire, espérant s'élever un peu plus aux yeux d'autres personnes même en ayant un balais à la main.

"Oui oui, elle est très intéressée...", bafouilla-t-il alors

Il tourna alors la tête vers la lame salie.

"Ou... oui, nous avons fait ça...", continua-t-il alors, bégayant.