La forge

Alban débarque, les mains dans les poches.

-M'sieur le forgeron ! J'aurais besoin de vous !

- Tiens donc, et pourquoi faire ?

Répond le vieux Balac Smiss, après un dernier coup de marteau sur une épée rougeoyante.

Il remet sa mèche bien en place.

-J'ai besoin qu'on me fabrique un nouveau médaillon, j'ai perdu le mien. S'il faut que je paye, je paierais, mais je veux bien aussi vous aider à la forge en guise de paiement.

- Ah ! Cela faisait fort longtemps que je n'avais pas eu à refaire un médaillon perdu... Coupons court, tu as 50 florins gamin ?

Sans doute que la valeur était faite par la minutie nécessaire à la fabrication, plus que le prix des matériaux.

- J'espère que m'dame Esperanzia sera clémente, et rien vous demander pour l'enchantement, ahaha !

Il soupire, il n'aimait pas payer en monnaie sonnante et trébuchante mais bon, il sort cinquante florins de sa bourse et les tend à l'artisan. 50 florins pour un bon moment passé avec un génie et sa nouvelle capacité, c'était carrément donné.

-Tenez ... Il sera prêt pour quand ?

Il rigole légèrement, plus par politesse qu'autre chose.

-C'est une dame généreuse !

Un généreux cadeau de la part de la mystérieuse créature...

- Dans quelques jours, mais je crois que les trucs magiques, ça prend bien quelques semaines!

Il essuie ses mains noircis sur un chiffon, puis met la Bourse dans une poche.

- Oui, j'espère pour toi gamin !

Les gens du Sud n'avaient pas la réputation d'être très généreux cependant...

C'est bien mieux que d'aller au bordel.

-Et bien ... Je suis pas sorti de l'auberge moi ! Je repasserais le chercher dans quelques temps donc, bonne journée M'sieur !

Il le salue d'un geste de la main et s'en va vaquer à d'autres occupations.

Par cet acte de complétion, il s'était à jamais débarrassé de la douleur que Milena avait installé en lui, des années auparavant.
Il venait d'emprisonner les ténèbres de son esprit dans ces pierres.

L'âme de l'épée était née.

"Noires-Larmes", incanta-t-il, les yeux plongés dans ceux qui se cachaient dans la nuit d'anthracite incrustée dans l'or diurne du pommeau.

Évaluant son poids comme si elle était neuve, il la rangea dans son pommeau, satisfait. Il sortit de la forge, apaisé.

Violette se trouvait vers les parcelles divers des plastrons et des plâtres délaissés. Dans la forge, où l'âtre était toujours d'une ardente chaleur, la jeune fille était penchée vers ces pièces détachées et fouillaient parmi elles pour récupérer celles qui étaient composés de métaux différents.

- Du fer.. du fer.. de l'étain ?.. Bougonnait-elle.

Elle élevait les pièces et les orientaient à la lumière pour juger de leur couleur et de leur caractéristiques.

Eadwacer était parti manger un bout, emportant son marteau à la hanche, le visage plein de suie, et les gants bourrés dans ses poches, qui en ressortaient. Il quitta la froideur de l'hiver au nord du continent pour rejoindre l'étuve de la forge.

Même l'air ardent et chargé de cendres n'attaquait pas la peau du jeune homme, mais la vue de celle qu'il l'aimait, penchée et lui faisant dos, mis le feu à des pommettes et ses oreilles. Bégayant comme la première fois, il annonça sa présence.

"Violette ? Qu'est-ce que... Tu fais là ?", demanda-t-il d'un ton surpris.

Sur l'établi à sa droite se trouvait une pile. Celle ci était construite de quelques de ses échantillons, parmi lesquels le bronze, le fer, l'acier et le laiton figuraient.

En entendant la voix de son amour de forgeron, elle se détourna vers la gauche. Son bras gauche fendit l'air pour rejoindre la table de travail. Son action était assez vive et énergique pour que de cet impact, un bout de métal particulier tomba à terre: du Vinadium. C'était un métal blanc, brillant. Au son qu'il fit en touchant le sol, on pouvait en déduire aussi qu'il était dur.

- Ou..Oups.. c'est bien moi. Je euh.. cherche dans les inachevés des échantillons de métaux divers, pour continuer nos expériences. Tu.. tu sais; je me disais que.. comme tu allais à l'intérieur du château comme le réfectoire et que j'en sortais, ce serait aussi bien que je m'occupes de notre affaire en même temps. Tu sais, cette histoire de farine !.. J'aurais peut être du le faire à première vu, je fais des bétises.

Il se observa en silence le petit manège de la jeune fille, fronçant un peu les sourcils, sous l'incompréhension. Puis, après son explication, son ton s'éclaircit rapidement, avec l'aide d'un de ses beaux sourires habituels.

"Tu aurais dû me demander de l'aide ! Il y a du cuivre, ici.", dit-il en pointant du doigt une pièce rouge sombre.

S'approchant de sa copine, il lui prit la main, et y déposa ses échantillons d'acier.

"Si on fait une arme, elle sera forcément en acier. Les autres métaux classiques sont trop mous, et les métaux plus spéciaux coûtent trop cher. On a énormément de pièces ratées en acier, tu peux te servir, elles sont jetées normalement.", continua-t-il, balayant la forge du regard pour s'assurer de l'absence de son maître.

En mimétisme enfantin, elle aussi fronça un peu ses sourcils avant de sourire par le biais de son sourire à lui.

- Je pensais connaître assez bien les us et coutumes de ta forge !.. Fit-elle avec énergie. Puis elle perdit l'ampleur de sa voix, un peu gênée: Enfin, je croyais..

L'air enjouée de trouver du cuivre avec cette couleur, elle exposa son idée tandis-ce qu'il s'approchait.

- Je me disais que, puisque nous allons insérer du poison dans notre épée: il serait peut être bien vu de mouler la fissure que nous feront avec la fonte d'un autre métal pour préserver encore plus l'épée. Peut être que ça se suffirait à lui même et nous n'aurions pas besoin; - je.. donne un exemple euh.. au hasard ! - d'utiliser de la farine !

Erudite, les lèvres se joignirent étant donné que le maître forgeron parlait. Elle était à l'écoute et laissa échapper un Aaahh..

"Mmh, pourquoi pas... Garde tes pièces de métal, on va essayer pour plusieurs matériaux... Mais l'idée de l'épaissisant est tout aussi bonne. Je me souviens qu'ils rajoutaient de la farine dans la soupe pour faire comme si on mangeait autre chose que trois carottes dans de l'eau, à l'orphelinat... ", dit-il, tenant toujours la main de son amante, mais perdu dans ses pensées.

Revenant à lui, il tourna les yeux vers Violette, lui tendant un sourire amoureux.

"On devrait tout essayer ici."

- Mon idée n'était pas si mauvaise en fin de compte ! S'esclaffa la native de Toussaint.

Lorsqu'il évoqua son passé, sa main serra la sienne avec compassion.

- Je faisais aussi ça. Peut être qu'avoir du pain et le rompre pour l'y mélanger avec la soupe aurait été quand même plus digeste..

Ironisa-t-elle pour détourner son attention de souvenirs lourds. Ils allaient manipuler des métaux avec une masse aussi importante, il ne fallait pas crouler dessous.

- Puis-je prendre ton couteau ? Demanda-t-elle poliment.

Puis elle alla retirer d'elle même le couteau que le jeune homme portait à sa jambe, avec un sourire taquin.

- Puis-je avoir le plan de la maquette pour esquisser un de nos trois sillons choisis ? Mais lequel choisirons nous d'ailleurs pour l'acier ?..

Cette fois-ci elle attendit les plan sagement en s'interrogeant et interrogeant son partenaire, un coude sur la table.

Il rit avec elle.
Sentant sa main se resserrer, il la regarda d'un air rassurant. Ce n'étaient pas de mauvais souvenirs, ils n'avaient juste pas de quoi se nourrir correctement.
Il haussa les épaules face à sa remarque.

"Peut-être, je n'ai jamais été doué en cuisine. Temps que c'est comestible, je le mangerais."

La voyant se servir avant d'en avoir reçu la permission, il sourit. Elle était bien, bien plus à l'aise en sa compagnie, à présent. Il attendit qu'elle se redresse pour la saisir par le dos, rapprochant son visage du sien, et y déposant un léger baiser.

Puis il s'éloigna à nouveau, souriant.

"Tu n'arriveras pas à creuser un métal avec une lame. Il faut imprimer la forme dans la matière. Pour ça, façonne dans du bois l'empreinte correspondant à l'un des sillons, et imprime le sur le métal avec un marteau.", lui expliqua-t1-il, espérant qu'elle lui demande de l'aide, pour qu'il puisse se rapprocher d'elle.

Elle était rassurée.
Ce rire était rassurant et maintenant, ils pouvaient mieux manger. Les souvenirs auraient pu être moins mauvais si la nourriture ne l’était pas. Or à l’époque, forcés de manger des plats restreints, l’esprit et la bouche s’accoutumaient au goût.

- Mangeable et comestible sont différent, je connais une recette: les lentilles au fromage..

D’un regard rapide, elle voulait malignement attiser la faim de son interlocuteur.
Le rapprochement toujours subit, elle orienta bien la lame vers le bas à son sursaut.

Elle pinça ses lèvres humides avec un petit sourire timide.

- Récupérons notre épée ! Je l’avais caché pour ne pas que le vieux contre maître ne la trouve !

L’air fière, elle tapa sa main droite sur sa cuisse pour souligner son ingénierie. Elle se sépara de son Or pour aller chercher l’épée derrière une armure.

Hop ! D’un mouvement du poignet droit elle retourna l’épée pour découvrir les sillons et la lui tendit.

- Nous pouvons commencer par celui en triangle. Les autres motifs vont gêner ou non ?

Le prototype à choix multiple se reposa dans la main du blond avec un grand sérieux dans la voix mais un grand sourire paradoxal.

- Je me laisses guider, je ferais ce que tu me demande !

"Si je n'avais pas déjà mangé, tu me donnerais faim...", lui répondit-il sur le ton de ma rigolade.

Prenant l'épée de bois de la main, il la regarda à nouveau.

"Justement, c'est la forme en triangle qu'on va faire. Il suffit de tailler le tranchant de l'épée en triangle.", lui donne-t-il comme instruction.

Il lui rendit l'épée, attendant de la voir faire.

- Je me suis donnée faim, je n’ai pas mangé. Après notre travail je pourrais faire cette recette..

Soucieuse, elle se tourna vers l’âtre qui brûlait et osa demander avec innocence:

- Tu crois que je pourrais utiliser ce feu là ? Je ne pense pas qu’une novice aurait le droit d’aller dans les cuisines.. à moins d’être accompagnée ?

Elle récupéra l’épée avec un regard complice envers son amoureux. Puis elle regarda le bois, un peu nerveuse de mal faire.

- Il faut que je taille sur le bois, que je mette le motif contre une lame et taper au marteau l’acier incandescent..? Récapitula-t-elle

Cette épée était déjà utilisée et la jeune fille laissa le prototype sur la table pour chercher une autre épée en bois qui serait le modèle final.
Une fois entre les mains et sur la table, elle tailla au couteau le cercle précis pour en retirer l’intérieur à une profondeur d’un pouce. A partir de ce réservoir, elle traça un triangle dont la pointe suivait celle de l’épée. Ainsi, le poison s’écoulerait rapidement dans la large base de la fente en triangle pour être à l’avenir plus précise à l’arrivée.
Une fois le moule prêt, elle fit comme si elle était dans des réelles condition d’un processus de création pour aller au bout; si on ne l’interrompait pas: elle prit une pince pour attraper une pièce d’acier et du cuivre. Elle mit un temps là base de l’épée sous les flammes et y laissa le cuivre jusqu’à ce qu’il devienne liquide, dans un récipient en terre cuite. Une fois la matière première malléable, elle la posa sur l’enclume pour rapidement poser le motif souhaité et l’imprimer en tapant avec le marteau. Jusqu’à ce que la lame s’imprègne de la forme: elle prendra en suite le cuivre, rouille fondu pour le glisser dans la fente crée, dès que la lame aura un peu refroidit.

Il la laissa faire dans un premier temps, intervenant alors qu'elle allait refaire un sillon dans le bois. S'approchant derrière elle, il lui pris les mains, doucement, caressant le dos de sa dextre.

"Non, Violette. Tu veux imprimer un creux dans le métal, tu dois donc donner la forme inverse du creux au bois."

Serrant ses mains calleuses sur les siennes, il lui déposa un léger baiser sur le haut de sa tête avant de commencer le travail sur quelques centimètres, pour lui laisser le reste, afin qu'elle apprenne.

Son entrée en matière eut le don d’être trop douce pour sa nervosité. Elle voulait être la plus précise possible et le rendre fière mais elle avait oublié le principe d’impression. En tapant aussi fort que faire ce peu sur un motif creux pour l’imprimer de la même façon, ça ne marcherait jamais, c’était élémentaire.

Les caresses et les chatouilles crispèrent en un premier temps ses épaules avant qu’ils ne redescendent par échelons, délivrant un soupire de contentement et rassurée.

- Oui..

Elle récupéra une autre épée en bois, sans la creuser car elle utilisa les derniers surplus de bois que lui avait offert son expérience précédente.

Elle possédait un demi cercle creusé dans une épée, dont elle orienta le coté sphérique vers l'extérieur pour ainsi créer de la matière, une partie de l'estampe. 
En suite, elle investit son cuivre fondu pour coller les copeaux de bois entre eux et ainsi former la deuxième et importante marque de relief rataché au cercle, qui serait une fente triangulaire une fois imprimée.
Une fois le moule solide ( et refroidit ), elle reprit une nouvelle découpe d’acier; chauffée, à la rendre malléable à souhait. 
Enfin, elle imprimera le negatif de leur motifs en relief, tapant plusieurs fois avec un marteau.

Il viendrait sûrement la partie de pure d'assemblage du pommeau avec la lame pour faire une épée.. et elle laisserait les mains expertes de son guide faire des miracles.

Les minutes étaient passées lentement, alors que le garçon inspectait le travail de son aimée. Reposant la pièce sur l'établi, il releva les yeux vers elles, un grand sourire heureux traversant sa figure.

"C'est parfait, Violette."

Un grand sourire dérogea avec le sérieux d'artisan qui s'était établi durant sa tâche, gorgée de fierté par les trois mots de son aimé, elle leva ses talons du sol puis les reposa au sol, sur excitée et pointa leur œuvre.

- Vite, vite ! C'ta toi de faire la forme de la lame et de mettre le manche !!

Elle ne pu s'empêcher de frapper des deux mains, impatiente, l'œil vif !