Re: Les bois autour de la forteresse de la corneille (Sud)

- T'as qu'à le prendre ton pote, on enterra pas le type qui a buté Jo à ses côtés.

Déclara l'infame avant de cracher sur le cadavre d'Amralt tandis que Carmia se levait les mains en l'air... toujours présente, la sensation ne la fit pas tressaillir, mais clairement sentir que sous son coeur battant en ces circonstances très particulières la connexion avec sa capacité était bien plus... forte, et bien plus brute.

Les autres corsaires la regardent se lever, toujours arme à la main: certains n'étaient clairement pas pour la laisser partir mais obéissaient à leur chef pour l'instant.

Enfin debout, la sorceleuse encaissa le crachat sans broncher, du moins en apparence ; des flashs d'elle en train de se défouler allégrement sur l'homme à l'origine de cette incivilité. Mais là, elle était criblée par de nombreuses menace ennemies, loin d'être conviviales ; elle ne pouvait se risquer à une attaque frontale, si elle voulait venger son ami elle se devait de rester en vie.
Et visiblement une vieille amie semblait vouloir l'y aider. Sa capacité ressurgissait, pleine d'énergie et de volonté, ou bien était-ce un mirage ? Il n'y avait qu'une seule façon de le savoir : s'en servir. Sous la chamade que faisait son coeur, une nuée de métal se matérialisera, et comme un frisson, il s'épanchera jusqu'à tout son tronc : sur sa panse, sa poitrine, et même son dos.

- Quelqu'un aurait alors la gentillesse de m'aider à le porter loin de là ? "

Venait-elle de construire une excuse pour occuper les mains de certains de ses corsaires afin de mieux les distraire lors de l'inévitable ? Possiblement. Elle est toujours auprès d'Amralt, les bras n'ont daigné bouger, ils se reposent et se prépare intérieurement à festoyer...

Alors Carmia accepta de saisir ce pouvoir qui sommeillait en elle, son action fut une réussite, une réussite allant bien au delà de ses espérances en réalité puisque sa capacité qui s’était évertuée à ne pas se montrer fit dès lors l’inverse et fut totalement incontrôlable sous le poids de sa peine.

Le coeur qui se serrait, comme habité en son centre par un trou noir qui aspirait l’ensemble du corps en son point de rupture. La douleur dans les joues. Les yeux visqueux et globuleux. Les paupières inférieures qui pesaient une tonne. La gorge serrée étaient autant de symptomes découlant de la colère et de la tristesse. Carmia avait mal, mal car le corps sans vie de son ami était désormais non loin d’elle. Il était là il y a à peine cinq minutes, il lui parlait. Mais tout ca était désormais fini: Amralt de Cintra ne parlerait plus, ne dirait plus d'âneries, ne rirait plus. En un rien de temps les choses avaient basculé, en un simple coup d’épée tout était terminé: Carmia vivait désormais dans un monde où le soleil se lèverait sans lui. Qu’il eut été un compagnon, un camarade, un frère d’arme, un ami ou quoi que ce fût d’autre, cet être gisait désormais à ses côtés, plongé dans un sommeil éternel le sourire aux lèvres: le nigaud avait même souri face à la Mort. L’avait il mérité ? Nul ne le saurait jamais, car Carmia s’était vue enlever Amralt avant qu’il ne puisse réaliser ses rêves de grandeur et marquer son nom au fer rouge dans l’Histoire. Il était censé vivre 300 ans, il n’avait pas passé les vingt. Il était mort si vite, le fil le reliant à la vie avait été coupé avec une simplicité qui frisait l’insolence et qui procurait joie et bonheur à ses bourreaux. Et cette vision insupportable fut apparemment celle de trop.

Le coeur serré pulsa dans les veines de la piannienne l’essence de la discorde, la soif du massacre, la brulure de la douleur et le besoin de vengeance. Les joues endolories se crispèrent. Les yeux visqueux se braquèrent sur les meurtriers. La gorge serrée hurla. Mais quelque chose avait changé: dans ce sang bouillant de rage et de désespoir, il y avait quelque chose que ni Carmia ni ses opposants n’avaient pu prévoir: le Destin, ou le Chaos, avait visiblement décidé de leur jouer un tour, plus aux mercenaires qu’à la piannienne au demeurant.

Les émotions guidaient la magie, la maîtrisaient, l’inhibaient ou l’amplifiaient, et ce fut ce dernier cas de figure qui se produisit lorsque Carmia fit le choix de la discorde et s’engagea sur la Voie du carnage. Le liquide rouge qui fusait dans ses veines, pulsé par un coeur au bord de la rupture sous le poids accablant d’une douleur déchirante était gorgé de l’essence du Chaos, la magie coulait dans les veines de la pianienne qui s’apprêtait à découvrir, au moins un peu, ce que signifiait réellement “Être une Source”. La Magie répondit à la colère de Carmia et lui donna le Pouvoir qui se manifesta sous une forme brute et incontrolée, sans même que sa volonté n’ait le temps de raffiner l’abomination qu’elle allait devenir…

Une explosion de chaleur se produisit autour de la pianienne, comme si Amralt faisait là son chant du cygne par le biais de sa capacité. Les mercenaires se regardèrent, médusés. La jeune femme quant à elle, sentait ses bras, bientôt ses jambes, son corps entier en fait, être recouvert du métal qu’elle avait appelé de ses voeux et ce à une vitesse hallucinante, allant jusqu’à jaillir de ses vêtements. Si le fer l’ayant recouvert par le passé avait pu être froid, celui-là était aussi brûlant que l’âme de la pianienne, et elle n’avait pourtant pas mal. En cinq secondes à peine, Carmia de Piana était entièrement recouverte d’une imposante cuirasse la rendant presque inhumaine. Son visage n’était plus qu’un masque de fer laissant simplement paraître deux trous pour ses yeux brillants, la forme du nez et une fente présentement fermée pour la bouche. Les épaules, les avants bras et le torse étaient comme recouverts d’un blindage supplémentaire. Seul l’arrière de son crâne d'où dépassent ses cheveux étaient un point faible car découverts.

- Qu’est ce que c’est que cette merde ?! Beugla le type qui avait buté Amralt, soudainement bien moins courageux.

Sans crier gare, un type se jeta sur elle par derrière. Cling, le type resta coi lorsque le bout de son épée désormais brisée tomba au sol. Son visage était interloqué, son teint livide, sa bouche empreinte d’une expression de terreur et ses yeux d’effroi mêlé d’incompréhension. Quant à Carmia, si elle avait souhaité avoir une épée, ou pourvoir ses gants de fer de griffes, elle n’avait qu’à y songer: la colère et la peine qui grouillaient en elle de manière si intense qu’elle pourrait presque les vomir ordonneraient au Pouvoir, le métal obéirait…

Rien ne lui semblait impossible si tant est qu’elle put penser: Carmia, ou plutôt l’être de carnage qui occupait sa place, n’était plus totalement maîtresse d’elle même...

La mort, la fatalité, la grande faucheuse, elle crût d'abord à cette entité, que celle-ci venait la cueillir, planter sa Faux dans son corps convulsé par les pleurs, par les peines de la sorceleuse. Carmia eût même l'idée que sa mélancolie l'avait dévoré jusqu'à ne laisser qu'une coquille vide et sans âme, que son enveloppe charnelle allait rejoindre celle de son défunt ami. Aurait-ce été si terrible que cela ? Une mort dans la souffrance et charge mentale, comme on les leur avait conté. Si jeune déjà, on parlait de la folie et mélancolie invasive qui pénétrait le corps d'un sorceleur comme une maladie le ferait à un humain. On racontait que les seules craintes qu'ils pouvaient avoir étaient psychologiques, car physiquement ils étaient invincibles. Elle se crût alors dans ce cas de figure, prête à passer l'arme à gauche, elle rendit même son dernier regard à son camarade, comme pour lui indiquer qu'elle arriverait bientôt, qu'ils se verraient tantôt.. Après tout, mourir de leurs lames, de leur soif de descendre une femme qui leur avait fait l'affront de leur tenir tête, qu'est-ce que cela changeait à cette fin là ? Rien.

Son coeur entrait dans une fusion, un mélange de fixation et de mouvement, qui s'en doute produisit cette vague de magie. Elle ne s'était pas préparée à se noyer dans son propre pouvoir, à en voir les limites brisées, brûlées et fondues. Lorsqu'elle les franchit, un incommensurable et nébuleux flux d'orgueil détruisit les limites de sa conscience, car tout comme son corps, cette dernière n'était plus.

Sa conscience d'ailleurs, où était-elle allée ? S'était-elle fusionnée avec ce qui semblait être cette nouvelle enveloppe charnelle ? Ou tout simplement n'avait-elle pas sa place dans cette structure plus tout à fait organique. Peut-être que la présence d'une conscience briserait la beauté et l'alchimie de l'événement. Carmia - l'était-elle encore ? - s'en réjouissait.

Sans sa conscience, elle se pouvait désormais accepter toutes les crasses suggérer par le chaos, la damnation, il n'y avait plus de place pour la miséricorde. Comme en dehors de ce monde, elle pensait ne plus avoir à pâtir des conséquences de ses actes, que comme une saison, un élément, ses agissements ne seraient pris que pour le hasard, ou une malheureuse et regrettable fatalité... Comme l'hécatombe d'une flotte ayant eût un pied-à-terre près de Novigrad. Personne ne se poserait de questions, pas même la sorceleuse qui lorsque la vie reprendra son cours, ignorera cet événement comme si elle n'en avait jamais été à l'origine.

La terreur et les pensées anxiogènes qui défiguraient leur visage ; qu'elle sensation exquise, qu'elle extase même ! Toutes les fois où à la place de ces proies Carmia s'était retrouvée à craindre si fort que cela se lisait sur son minois ; les multiples batailles qu'elle avait été forcé de mener, l'invasion haakis à Kaer Morhen, la mutation qu'on lui avait fait subir en dépit de son avis et la douleur abominable qui en avait résulté, et même le dénouement de sa vie de sorceleuse, et donc le meurtre de sa tendre génitrice. Elle comprenait pourquoi les êtres qui avaient suscité cette expression sur son visage s'efforçaient de la maintenir ; qu'elle plaisir d'être la menace et non la menacée.

Ses doigts, sans même y réfléchir, exigèrent de tranchantes griffes, pour pouvoir tuer sans réelle considération les bourreaux de son ami.
Il désirait explorer le continent, vivre de nombreuses aventures en plus de se broder une renommée et de se faire respecter à tout instant. Carmia ne pouvait réaliser que sa dernière volonté, et abattre ceux qui avaient manqué à ce désir. Sans même faire de distinction entre les bons et les mauvais, la Pianienne tuera ceux qu'elle pouvait atteindre : c'est à dire tous.

Le cœur meurtri pulsa un sang brûlant de haine jusque dans les mains de Carmia, et comme si ce sang et le métal ne faisaient qu'un dans un nouvel alliage tant cela fut facile, ses mains furent dotées de griffes. Les corsaires l'entouraient, épée à la main et la peur au visage alors qu'ils se demandaient ce que pouvait bien être la Vierge de Fer et surtout comment ils allaient pouvoir s'en sortir désormais. Le courage ne leur faisait pas encore défaut grâce au nombre, mais nul doute qu'ils étaient intimidé, doux euphémisme.

Comme un rêve s'exauçant, se concrétisant sans demander son reste, quel doux bonheur. Là où auparavant ses efforts les plus profonds lui permettaient à peine de solliciter un quart de cette puissance, toute sa nature et son noyau se manifestait avec une désinvolture impressionnante. S'il s'agissait d'un poison qui peu à peu corrompait son corps pour qu'il se plie aux volontés semblables à celle d'une créature dépourvue de bon sens et discernement, l'ex Pianienne s'en gobergeait, elle n'avait même plus la capacité de s'en rendre compte. A la manière d'un monstre qu'elle aurait chassé tantôt, la sorceleuse laissera parler ses envies, et non sa voix, elle n'en possédait plus à l'instant. Une déshumanisation totale, faite dans un sens avantageux pour elle. Le silence et l'ignorance terrifiait plus que la vérité, tremblaient-ils de devoir mourir de la main d'une femme qui paraissait aux premiers abords dyscole mais inoffensive ? Craignaient-il leur manque de prudence et la stupeur folle qui s'étaient emparée d'eux ? Que les plus récalcitrants se rentrent dans le crâne une chose ; il n'allait plus affronter une demoiselle terrée sous une cuirasse quasi infranchissable, mais plutôt un monstre dénué de sens moral, dont le mot d'ordre était ; aucune pitié, pas d'quartier.
Les pupilles ocres à peine visibles sous la charge de métal fixeront sa première proie ; le tueur d'Amralt. Celui qui avait fait l'affront de penser une minute qu'une femme élevée six ans parmi les pires raclures du monde pouvait demeurer passive, et lui laisser la vie sauve. La terreur qui avait été sculpté sur le faciès de cet homme, comme de ses comparses, pourvu qu'elle tienne toujours. Plantant les griffes de sa main droite profondément dans la chair de son ventre, celles de sa main gauche viendront donner un coup circulaire aux hommes de trouvant à la droite de l'assassin d'Amralt - et donc à la gauche de Carmia -, également au niveau de leur ventre. Elle réservait un traitement de faveur pour celui qui avait rabaissé sa condition à une simple femme sans défense.. Ensuite, elle reviendra en mouvement, pour que son point faible - le derrière de son crâne - ne vienne pas à être touché par des coups furtifs.

Et là, l'horreur commenca. La dextre fondit sur le meurtrier et les griffes de fer percèrent sa chair, comme son épée avait tué Amralt, ressortant de l'autre côté tandis que du sang perlait sur les fins appendices de métal.

- AAAARGH !! Le hurlement de douleur perça la nuit. LAISSE MOI SALE MONSTRE !

Il en avait laché son épée et tentait désormais de se dégager de l'emprise de la pianienne dont l'effrayante silhouette était projetée sur le voile nocturne par la lumière des torches des corsaires.

- TUEZ LA ! Hurla le chef. TOUS SUR ELLE !

Motivé mais pas rassuré pour autant, il se précipita sur Carmia arme à la main avant de recevoir une gerbe de sang sur le visage: en un banal balayage de la main, Carmia avait répendu le carnage parmi les rangs ennemis, les cinq types à l'avant furent éventrés par les griffes qui s'étaient allongées pour l'occasion, le premier avait même le flanc totalement découpé et tomba par terre en se vidant de son sang pendant que les autres tombaient à genoux en hurlant de douleur, abreuvant déjà la terre de leur sang, et ca ne faisait que commencer. Les corsaires se lancèrent alors dans une charge en hurlant pour cacher leur désespoir: dix se jettèrent à l'assaut tout autour d'elle pendant que cinq flèches volaient vers elle. Elle avait toujours l'autre type accroché à sa main droite.

Le sobriquet de monstre venait de lui être attribué, c'était parfait, ils n'allaient pas la ménager et par conséquent elle avait la légitimité de faire de même. Malgré les râles et cris suppliciés de sa proie agrippé à sa main comme une vulgaire feuille, la sorceleuse se délectera de son malheur, le même qu'il avait infligé à son compagnon d'armes, peu avant sa mort. Il dansait il y a peu la défaite d'Amralt, dorénavant il dansait sur le fil de ses doigts. Comme les loups et autres bêtes voraces que l'on pouvait croiser inopinément sur le Continent, Carmia ne lui concéda aucune pitié, et lorsqu'il ordonnera qu'elle le relâche, sa prise se raffermit. Serrant de plus en plus ses griffes afin que ses tripes en pâtissent, elle lui infligera ce supplice jusqu'à ce que mort s'ensuive.
Concernant les derniers téméraires - ou fous - qui souhaitaient l'occire, elle réitèrera sa précédente tactique pour ceux se trouvant sur son flanc/côté gauche, tandis que ceux de droite eurent plus de chances. La Vierge de fer, en effet, tenta de jeter ou du moins pousser le tueur d'Amralt sur ses camarades, comme une vulgaire breloques. Le but étant de déstabiliser les faquins dont elle ne pouvait s'occuper pour ce tour-ci.
Quant aux flèches désireuses de faire un séjour dans sa peau - du moins était-elle toujours présente ? -, Carmia viendra ordonner au métal de décupler sa résistance, ou son épaisseur si possible.

La nouvelle danse macabre de Carmia faucha cette fois 4 autres corsaires à sa gauche et en déstabilisa trois du côté droit, le meurtrier d'Amralt fut ejecté dans une gerbe de sang sur ses camarades à cause de l'inertie après qu'elle lui ait pressé les viscères une nouvelle fois. Le sang pleuvait, presque littéralement et ce n'était pas les flèches qui se brisèrent sur la cuirasse de Carmia qui allaient y changer quelque chose, sa tentative fit d'ailleurs jaillir des piques de fer dans son dos dont l'un d'eux empala à l'épaule un des hommes ayant tenté de l'attaquer.

Tous beuglaient comme des beaux diables - que ce fut de douleur ou de terreur - face à un ennemi qu'ils ne pouvait pas battre... Le métal grouillait dans ses mains alors que ses griffes s'émoussaient à force de trancher la chair et les os. Elle avait à sa disposition tout ce dont elle pouvait rêver pour faire un carnage: épée, haches, marteaux d'armes, faux, dans l'état de furie ou elle était rien ne lui semblait être trop pour sa capacité, et peut être avait elle raison comme en témoignaient les appendices mortels s'étant dressés dans son dos.

Voyant le type empalé derrière elle et tentant de se défaire, le chef hurla un nouvel ordre.

- Jetez vous sur elle ! On la met on sol !

Les dix types restant, moins le chef, se jetèrent sur elle: un camp allait l'emporter à l'issue de cette action, restait à voir lequel...

La ligne droite, aussi fine que la lame qu'elle souhaitait incanter. La fin de cet affrontement se profilait à l'horizon, les remous et aléas des combats allaient bientôt cesser, mais pour qui ? Qui s'extirperait de ce destin de Chaos, de violence et d'hémoglobine pour rejoindre celui de la réalité et d'un paisible quotidien. Qui allait fermer les yeux sur les tripes et l'herbes fraîchement arrosée de sang, et qui à contrario allait pouvoir se débarbouiller et humer l'air pur et dépourvu de miasmes d'affrontements, écouter le bruissements des feuillages, s'en remettre au domicile et écouler des jours heureux ? Le chef et sa bande de corsaires, ou bien la sanguinaire sorceleuse ? C'était maintenant que le Destin allait répondre à cette question. Sans doute ce dernier s'était assez distrait de ses marionnettes, et aller décider d'en bousiller une, dans le but d'arrêter le jeu. Une simple drôlerie, voilà à quoi cette chose assistait. Une bataille féroce et exaltante, voilà à quoi faisait face la Vierge de Fer. Une hécatombe imprévue et cruelle, voilà ce que subissait les matelots. La première était à son aise, la seconde craignait chaque seconde qui passait son intégrité et sa vie, les derniers pleuraient une défaite cuisante, aussi douloureuse psychologiquement que mentalement. Lequel des deux derniers camps méritait la vie sauve ? L'honneur de voir le lendemain, l'aube, les rayons du soleil sur la forêt et sur les affres de ce combat ? D'un point de vue objectif, les corsaires avaient plus de légitimité de survivre ; ils n'avaient fait que répondre des actes d'un fieffé garnement, qui s'était prit pour invincible, et d'une sorceleuse, aussi vengeresse qu'aliénée. Vengeant la mort d'un trouble fait, Carmia n'avait aucune raison de tuer avidement ces hommes. Car bien qu'ils soient à l'origine de la mort de son ami, ils n'avaient fait qu'exécuter les ordres d'un homme ayant un grade plus avantageux qu'eux. Ils possédaient chacun un passif, une famille, peut-être une femme les attendait à la maison, allait-elle finir veuve ? Ces conséquences, la créature de fer ne les réalisait pas pour l'instant, à ses yeux de mutantes, ils n'étaient que des insectes grouillant et fourmillant autour de sa personne, la donne changerait-elle ? La colonie d'insectes allait-elle s'allier pour faire chuter le monstre, et triompher de lui ? Tant d'interrogations, que Carmia n'eût même pas la jugeotte de se poser, vivant dans l'instant, elle préférait assurer sa survie dans l'instant T plutôt que pour les moments futurs. Si les remords allaient l'accabler ou non, personne ne le savait.

A peine ressentit-elle avec quelques difficultés la présence insignifiante de l'homme empalé sur son dos, qu'elle répètera le procédé réalisé justement auparavant. Lames, piques, excroissances, qu'importe leur esthétique, elle matérialisera de nombreuses armes sur son dos, le but étant d'atteindre sans trop d'efforts l'homme qui agonisait derrière elle, et qui risquait de frapper son point léthal.
A ses avant-bras, des lames aiguisées se sculpteront, aussi tranchantes que les glaives les plus performants que le plus habile des forgerons pourrait faire. Cela était-il raisonnable de faire trépasser tant d'hommes dont elle ignorait la vie, les rêves, les espérances, les connaissances ? Cela était-il raisonnable de reproduire le même schéma qu'avaient orchestré les corsaires auprès d'Amralt, et de les tuer sans considération ? Cela était-il raisonnable de risquer sa réputation en tuant des personnes appartenant à une institution ? Cela était-il raisonnable de risquer un prolongement de la joute au risque de perdre son humanité et de demeurer déshumanisée ? Carmia aurait encore eût sa conscience, elle aurait longuement douté, mais malheureusement cela n'était plus le cas.
Tout ceux risquant de s'approcher de trop près d'elle, pourront voir deux lames matérialisées sur les avant-bras de la sorceleuse fuser vers eux, à pleine vitesse.

Un véritable maelstrom de métal se déchaine au milieu de la nuit, et les crissements infernaux du fer ripant contre les armes et la cuirasse étaient presque plus forts que les cris des malheureux qui faisaient face à la Cuirassée. Cette dernière vit des armes éclater sur son armure, se brisant en mille morceaux alors qu'une tempête de fer prenait naissance dans son dos et changeait l'homme y étant encore accroché en une masse sanguinolente difforme en plus d'exterminer par la même les flancs de ceux qui l'avaient attaqué dans le dos. Ceux qui étaient venus de face eurent à faire face aux deux lames et aux restes des griffes qui ne furent pas moins meurtrières.

La suite fut un carnage indescriptible, un véritable chaos guerrier tel que l'on osait pas les conter même dans les sagas islandaises. Un mélange de parades briseuses d'épées, de placages se terminant avec un bout de métal entre les deux yeux, de visages découpés, d'abdomens éventrés, une véritable carnaval tout fait de rouge et de cris...

A la fin, il ne restait plus que le chef qui n'avait pas attaqué et quelques hommes à l'agonie derrière elle, il leur manquait pour la plupart un bras, une jambe, la moitié du visage quand ce n'était pas la moitié du corps entier.

Le dernier homme ne savait que faire, il était là, aussi médusé qu'il se savait impuissant.

Un flot de carmin se déversa sur la végétation, comme une pluie quelque peu acide. Les herbes, les plantes, les corps déjà estropiés et atrophiés, tous reçurent le prix de la victoire, et de la liberté pour la sorceleuse. Une liberté extérieure, mais intérieure, cela allait-il être le cas lorsqu'elle se réveillerait ? Et même si les conséquences de ce massacre n'avaient pas encore pointées le bout de leur nez, qu'en serait-il dans quelques semaines, mois ? Les instances allaient-elles lui faire payer ce carnage ? La bête ne prit même pas le temps de contempler ce charnier pour constater qu'un survivant en capacité de donner l'alerte restait stoïque. Il venait, en une brève soirée, perdre tous ses camarades, sa douleur psychologique devait être telle que la sorceleuse aurait pu la comprendre, et compatir. Mais, il avait omis un détail, c'est que c'était lui qui avait sommé chaque ordre, chacun injonction, qui contribuaient au désir de voir la Vierge de Fer périr. Sous son apparence chaleureuse et complaisante, se cachait le plus teigneux des corsaires. Et ça, la créature ne l'oublia pas.
Profitant de la détresse psychique de l'homme pour s'avancer vers lui, elle lui bondira dessus avant de l'agripper fermement de quelques griffes, plantées soigneusement dans sa panse. Le but étant qu'il ne puisse pas se débattre, ou du moins s'échapper, elle le scrutera impassible et antipathiquement quelques secondes.

" TUEZ LA ! TOUS SUR ELLE ! "

" C'est moi salope et si t'as un problème tu vas aussi mourir ! "

" certains veulent ta peau voire pire "

" LE SORCELEUR EST MORT J'AI BUTER L'SORCELEUR ! "

Repensant au rictus de son ami, son poing libre se leva, une forme contendante et tranchante s'y créant. En un claquement de doigt, la sorceleuse l'enverra dans les bijoux de famille du corsaire.

Le regard de l'homme se plongea un instant dans celui de Carmia, ou plutôt dans l'abysse de terreur vers lequel menaient les deux trous lui servant à voir au travers de son masque cuirassé après qu'elle l'eut agrippé et brisé la lame avec laquelle il avait tenté de parer. L'homme savait qu'il pouvait compter ses abatis alors que son adversaire lui explosa les parties, le faisant se plier en deux par réflexe avant qu'il ne réalise que cela ne le faisait que plus s'enfoncer dans les aiguilles de la pianienne. L'homme ressentait une profonde injustice en lui, c'était sûrement grâce lui que ses hommes n'avaient pas tué Carmia sans autre forme de procès, il lui avait proposé de partir, il avait été idiot.

Un sadisme pur, qui découlait d'une mélancolie insatiable, qu'elle se devait de nourrir. Devant se repaître des potentiels hurlements du chef, sa vengeance se gavait crescendo, elle frôlait même l'indigestion. Mais cela n'était pas suffisant pour la combler, pour que son esprit soit ainsi repu de cette sordide affaire. Toute l'hémoglobine de cet être ne suffisait pas pour racheter le sang de son ami, qui nourrissait à présent la terre poudreuse, devenue boueuse. Il fallait que les terres qu'avait foulé le corsaire s'imprègnent de cette substance carmin, aussi vivace que le spectacle sanguinolant auquel elle venait de participer. Après ses parties, ce fut au tour de ses prunelles, celles qu'il avait posé sur elle avec dédain il y a peu, lorsqu'elle était encore humaine. On disait que les yeux sont le miroir de l'âme, alors le jeune homme allait la perdre. Avec la même hargne qu'elle avait mise dans l'anéantissement de sa virilité, la Vierge de Fer plantera sa main contendante dans l'oeil droit de l'émasculé. Sans doute une douleur fulgurante et atroce s'emparait de son adversaire, mais il n'aura guère le temps de la ressentir clairement, que la terrible main reviendra à la charge, transperçant le second et dernier oeil. Avait-il encore la capacité de beugler son mal et sa détresse ? Avait-il réellement encore l'envie de résister aux assauts de la sorceleuse ou s'était-il déjà résigné ? Un homme sans ses yeux et ses couilles, était-ce encore un homme ? Plus tellement.

Mais alors que les offensives étaient méticuleusement préparées, la suivante se fera au hasard, encore une fois sur le visage de son ennemi, le but étant d'éviter les points vitaux pour qu'il ne meurt pas trop rapidement. La rancune émergera dans son coeur, lorsqu'elle crut apercevoir sur ce visage martelé de sang et de coups un sourire - il ne s'agissait que d'une illusion créée par l'hémoglobine -. Instantanément, la vision du rictus railleur qu'il arborait, lorsqu'Amralt fuyait la Faucheuse, et qu'elle, n'avait pas sourcillé plus que cela. L'adrénaline n'avait pas prit à ce moment précis, et cela avait coûté la vie de cet abruti d'ami.

Plus le temps avançait, plus les souvenirs, les émotions, les sensations refirent surface, signe que sa transformation prenait fin, et que son humanité tentait de se frayer un chemin sous cette carapace. La charge émotionnelle allait sans doute être trop forte à assumer, cela était évident, mais pourtant, alors qu'il lui restait assez de témérité et d'insouciance mortelle en elle, la Pianienne accomplira la fin de sa vengeance. Elle se défoulera sans compassion pour l'esthétique faciale sur le visage de celui qui avait ordonné l'assassinat, celui qui lui avait refusé la joute avec le faquin qui avait occis le sorceleur, celui qui avait maugréé des ordres contre elle lorsque la raison chez elle n'était plus, et que tous était contre elle... Il est vrai, ce sont de piètres excuses pour défigurer un homme d'honneur ! Un homme qui avait eu la bonté de sommer à ses compagnons d'armes de l'épargner, alors que beaucoup rêvaient de lui faire goûter une défaite cuisante. Etait-ce seulement juste ? Pas vraiment. Mais si ce monde avait été juste, cela se saurait. Si ce monde avait été juste, Carmia ne serait même pas là en cet instant, mais plutôt en train de donner la béquer à ses chiards. Alors, que les remords de ce corsaire soient éphémères, il n'y pouvait rien. Il fut peut-être trompé par l'apparence trop peu menaçante de la demoiselle, il n'était pas le premier et ne sera pas le dernier..

Plus les coups pleuvaient, et plus sa conscience s'éveillait. Plus son don s'éteignait, plus les retombées s'annonçaient mémorables.. Alors qu'elle s'acharnait sur un corps à peine reconnaissable, ses mirettes ainsi que l'intégralité de son corps prit des allures moins effarantes, et plus naturelles. Son visage était crispé, tiraillé par la douleur, mais il se décontractait petit à petit, n'étant plus obligé d'être figé dans sa forme métallique. Se désintégrant de la manière qu'il souhaitait - disparaissant simplement ou venant se décomposer similairement à de la poussière -, c'est au bout d'un bref instant qu'elle reprit forme humaine, en même temps que sa conscience. Un battement de cils, et la vue presque rocambolesque qui s'offrait à ses yeux la fit pâlir, autant que les visages agonisants de ses victimes. Elle se redressera pour s'éloigner le plus rapidement possible de cette charpie qu'était le chef des corsaires. Mais en se redressant et s'éloignant, la Pianienne mit les pieds dans ce qui était son oeuvre ; tripes, sang et cadavres à profusion. Ses godasses venant produire un clapotis écoeurant, elle ne manqua pas de recracher ce qui lui restait dans le ventre. Elle s'était promis de tous les tuer, mais pas de manière aussi patibulaire et violente. Peut-être des râles venait égayer la pièce qui se clôturait, elle en fera abstraction du mieux qu'elle le pouvait, son esprit allait sinon vriller sous le poids des responsabilités. Ce dernier était déjà assailli par les moultes interrogations émises auparavant.

- " Putain d'merde... "

L'avait-on entendu orchestrer son massacre ? Quelqu'un risquait-il un jour de tomber sur cet endroit, et en déceler les indices permettant de remonter jusqu'à elle ? Tant de psychose légitime, qui feront trembler l'intégralité de son corps, de ses frêles pieds à la pointe de sa caboche. Comme des spasmes convulsant l'ensemble de son être, maintenant qu'elle n'avait plus cette enveloppe de métal, elle avait froid. Elle se sentait nue et en proie à tous les dangers de ce monde. Sa respiration haletante, rythmera le chant des mourants. Elle avait merdé, et ce en beauté, laissant place à une créature guidée par l'instant et non le futur, comme une vulgaire bête, Carmia avait négligé son avenir, et sa sécurité.

- " Fais chier ! "

La fuite, c'est la seule option qui lui restait en main, qu'importe que cela faisait plus de 48 heures qu'elle était éveillée, qu'importe qui lui restait des tas de choses à dégotter ; peut-être dans les poches de son ami, dans celles des corsaires, dans leurs tentes. Elle ne devait emmener aucune preuve de son délit, de cette bévue qu'elle regrettait amèrement. Amralt n'aura même pas le droit à un regard de compassion, on ne le distinguait presque plus parmi les cadavres et survivants temporaires - qu'elle n'acheva pas, ils ne le méritaient pas, mais elle n'avait aussi guère le temps-. Se saisissant de son collier de sorceleuse, elle fuira ce Chaos, en se hâtant, pas même un regard vers l'arrière, vers le corps de son ami et de ses ennemis.

Alors qu'elle eut fini d'offrir enfin la mort à l'agonisant qui seul l'avait traitée avec égard, tandis qu'elle contemplait son massacre et que son masque se fendait alors qu'elle jurait pour elle même, Carmia revint par cette pensée à la réalité et tomba à genoux. Il manquait quelque chose en elle: la force. Elle était à bout, et maintenant que le massacre était terminé, que ses émotions avaient cédé la place à la raison, la normalité reprenait le pas sur l'extraordinaire. La gadoue sanglante éclaboussa la ferraille tandis que la tête de la Piannienne tourna fortement. Elle eut soudain très chaud et sentir quelque chose s'ouvrir dans son dos, le long de ses bras, un peu partout en fait: sa cuirasse se fissurait, désormais plus alimentée par la magie. Les bras tombèrent et le fer se mit à rouiller très rapidement alors que la jeune fille basculait en arrière, sortant de cette coque, de ces multiples plaques de ferraille superposées jusqu'à former une armure impénétrable, l'armure elle même tomba en avant, quittant sa portice et se décomposant. Un voile noir se jeta devant les yeux de Carmia: la rançon du pouvoir des Sources, elle était condamnée au sommeil. Un sommeil certes bien moins grand que son camarade, mais un sommeil forcé tout de même.

Elle resta ainsi là, étendue sur le dos aux côtés de son camarade décédé jusqu'à une heure avancée de la matinée, l'arme du crime avait totalement disparu. Toujours faible mais pleinement consciente, après avoir fait face à son coeur, elle allait devoir faire face à a conscience.

Morphée, alors que le Soleil avait désiré pointé le bout de son nez, avait touché du front la sorceleuse, et celle-ci s'était instantanément endormie. Mais pour combien de temps ? Son sommeil allait-il lui apporter une paix intérieure, au moins le temps d'émerger et de rafistoler sa mémoire, ses forces, sa tête et sa conscience. Un tiraillement s'apprêtait à la frapper, mais il hésitait ; allait-il attendre qu'elle ne se réveille, ou bien viendrait-il la frapper lorsqu'elle sombrait dans une inconscience temporaire ? De toute évidence la tentation était trop forte, et voir la Pianienne tomber de haut, cela était trop tentant.
Des mémorielles l'assagirent. Ils n'étaient pas très lointain ; une petite vengeance sur le feu qui fut assouvie. Elle concernait des êtres humains, et non des créatures. Elle les avait occis sans compassion ni même une once de regret, le regard triomphant sur les cadavres, qui peut-être avaient regretté leurs actions passées. Là, il en était de même, sans doute les corsaires avaient maudit leurs actions passées, pour le résultat et la destination qui en avait résulté. La mutante était bien plus habile à tuer des hommes, ses anciens semblables, que les monstres pour lesquels on la payait. Il y avait là une incohérence. Elle ne valait peut-être pas mieux que ceux qui gisaient à ses côtés. Cette pensée la réveilla en sursaut. Sa première inquiétude était égoïste, y avait-il des gens dans les parages, qui étaient tombés sur cet horrible spectacle ?

Personne de vivant exceptée elle même, le coin était relativement isolé de toute manière.

Par conséquent, elle ne se gênera pas pour prendre ses jambes à son cou, et fuir les responsabilités de cet évènement. Un accident, un mystère sibyllin, une créature sortie des entrailles de l'enfer ou d'une conjonction quelconque, on pouvait aborder tant d'hypothèses pour classer cette hécatombe. Quoiqu'il en soit, cela n'était plus du ressort de la rouquine, qui fuira la scène en même temps que son camarade. Il sera laissé sans sépulture, sans honneur, sans reconnaissance si ce n'est la mémoire lacunaire de son amie. Gageons que ceux qui tomberont sur lui lui en offriront une de qualité. Sinon, espérons que la Nature fasse son oeuvre, et efface la souffrance de ce corps profané. Un pourfendeur de monstres venait de trépasser, à cause de cela, un nombre incalculable de créatures allaient pouvoir écouler des jours heureux. Mais cela, Carmia s'en gobergeait pour le moment. Se saisissant de sa parure de sorceleuse, elle courut en sens inverse : là où ils avaient quitté plus tôt Caseï et Poddrick, là où leurs espoirs de triompher vaillamment eût existés encore.

Elle courrait donc, mais ne trouverait pas les deux sorceleurs, il en serait de même à Novigrad: ils semblaient s'être volatilisés. Quant à Amralt... le sort de sa dépouille resterait incertain, tout comme le devenir du double fardeau que Carmia portait désormais en elle.