Un réseau de caves

- Hrf, c'est fini, zéhé...hé...

Il se passe une main sur le côté droit du visage, essuyant le sang, et l'étalant en fait. Il s'approchera, la machette basse, la garde basse en fait. Il ne le frappera pas, fera simplement monter ses bras en défense tout en faisant un pas en arrière lorsqu'il verra la main de Poddrick se lever pour incanter cet igni d'une rare puissance...

- Putain de merde !!... Ha...haha...

Rit-il nerveusement, surpris par cette déflagration qui toutefois ne le blessera pas à cette distance. Plus de peur que de mal, tandis que mal en pie pour le corps de Poddrick, le moindre mouvement lui étant douloureux... Son bras retomba ensuite, abattu, et le réalisant, le Rouge fit un mouvement de tête à l'adresse de ses hommes :

- Attrapez-le, et mettez-le debout.

Ce à quoi les hommes obéiront, retirant de gré ou de force l'épée déjà plus tout à fait tenue par le sorceleur, le soulevant malgré l'agonie qu'il endurerait ainsi, et le mettant en face au chef.

- Zéhéh, bon de Seig Lyn, petit héros misérable, sauveur de pacotille, traître fourbe, médiocre vengeur, et piètre sorceleur... Que va-t-on faire de...

Le Rouge se penche légèrement en avant, cherchant à mieux voir le visage du garçon, visage sans aucun doute penché vers le bas. Il lui sembla déceler des pleurs, ou de simples larmes.

- Bordel de succube sodomite, t'es pas en train de chialer quand même ??

Il prit une expression de visage formulant le dépit.

- Mais merde, c'est que j'ai presque de la compassion, ahahaha...

Il fait un pas sur le côté, ferme les yeux, raffermit les traits de son visage et porte son avant-bras au front, les dents se serrent.

- Chiale pas... chiale pas... CHIALE PAS PUTAIN !!

Gueule-t-il soudainement en se tournant vers le mutant en tourment, se rapprochant très près de lui, son visage à quelques centimètres seulement, surprenant tout le monde.

- Ooooh... On n'va pas te tuer, naaan, tu peux vivre. T'es trop jeune pour mourir !!

Remarquant l'incertitude sur les visages de ses hommes, le Rouge lève sa machette et l'agite, tout en mouvant sa tête de gauche à droite.

- Nan les gars, pas de discussions possible. Le tuer serait s'abaisser à lui, n'est-ce pas ? On est les gentils nous, faut pas l'oublier ça !! Hmmm, Poddrick, Poddrick, c'est bien ça ton p'tit nom hein ? Alors Poddrick, tu veux vivre ou pas, dis le moi !

Il lui attrapa le menton de sa senestre sans s'être désarmé de son poing magique, et leva son visage, l'observant pleinement.

Putain ça faisait mal, tellement mal, il se sentait une poupée de chiffon alors qu'il se débattait mollement totalement contraints par les hommes qui le manipulaient sans vergognes. Ses bras n'étaient plus bien vaillant, tout comme l'ensemble de son corps qui hurlaient et se rebêlait contre chacun des plus infimes mouvements que l'on lui faisait subir. Et on le faisait avancer affreusement lentement, s'approchant de plus en plus de la masse qui se tenait devant lui, sa tête se soutenant elle même difficilement alors que son regard plongeait dans celui du Rouge, les traits marquant sa colère s'étaient presque complètement affaissés, laissant à une lassitude extrême combinée à une souffrance rare, hurlée par chacune des veines congestionnées qui animait son visage.

Comme d'habitude, le Rouge ne pouvait s'empêcher de faire son spectacle, mais il n'arrivait pas même à assimiler la moindre des remarques qui étaient faîtes, comme une brouhaha lointain. Seul un cri parvint à ses oreilles, quelques mots le tirant de sa léthargie, "chiale pas putain"... Il était entrain de chialer ? Vraiment ? Il s'en rendait à peine compte, la douce chaleur qui coulait sur ses veines était si négligeable face à la douleur intense qui irradiait son corps qui à peine lui répondait. Il secouera légèrement la tête comme pour se maintenir éveillé sans plus d'effets. Les mots continuaient à couler autour de lui, l'emportant dans un flot désagréable sans pour autant faire surgir la moindre chose en lui, la bouche continuait à s'agiter devant lui, accompagné de quelques postillons, puis plus rien, il attendait quelque chose ? Une réponse peut être ? Il attendra un moment, mais la bouche restait immobile, attendant inlassablement une quelconque réponse avec un sourire torve au coin de la bouche. Quand il prit enfin la parole, ce fut un faible croissement qui prit vie dans sa gorge, émettant seulement :

- fnit ça…

Il ne pouvait plus, il n'arrivait plus à lutter, le simple fait de s'énerver le mettait en colère… il voulait plus que terminer tout ça… il avait perdu, il ne pouvait rien faire… Il n'arrivait pas même à imagine le contraire alors que seul son corps même l'abandonnait.

Le Rouge émit un franc rire. C'était le moment de faire montre de ses qualités d'esprit.

- Malheureusement mon garçon, il faut accepter dans ce monde, qu'il y a toujours plus fort que soit.

Il commença à mettre de petites baffes humiliantes au visage de Poddrick, plus pour le réveiller et qu'il entende bien ce qui allait suivre, que pour se jouer de sa supériorité sur lui.

- Et tuer le petit héros de la ville, rameuterait avec bien trop de certitudes, tous ces chiens de Kaer Morhen, et ces hypocrites de nobliaux, héhé...

Tandis que les histoires d'orphelins disparus, ils n'en n'avaient pas grand chose à foutre. Il se gaussa quelques instants, et lâcha ensuite :

- Il est beau notre empereur hein, ce jeune fils de pute, qui n'a de yeux que pour ces putains de mutants, comme s'ils avaient la vie la plus à plaindre... Bordel, vous refuseriez d'être des sorceleurs, vous les gars ? Devenir un surhomme, avoir une enfance pépère dans un château, d'la bouffe, tout, baiser toutes les putes que vous voulez sans aucune crainte... Franchement les mecs, vous vous demandez pas, vous, pourquoi tous ces fils de putes de mutants, agissent comme s'ils portaient le putain de fardeau de ce putain de monde, sur leurs putains d'épaules ?!

Une rage sourde émanait de sa voix, comme une rancune profonde et grouillante... Il se calma doucement, et reprit :

- T'es différent toi, j'le vois dans ton regard. T'es pas comme toutes ces salopes, c'est vrai, c'est vrai, faut se le dire, j'te déteste pas, mais... quand même... Héhé... T'as perdu, de Seig Lyn, et t'as fait tout ça pour rien, imbécile !... Se débarrassant de sa machette, et indiquant à ses hommes de bien le tenir, il lui attrapa le visage de ses deux mains et le leva : On ne savait rien au sujet de ta blonde, rien, nada, zéhahahaha !!

La gueule déformée par le sang et le sadisme du rouge, ses quelques dents en or, Poddrick en avait un bel aperçu d'aussi près. Il le relâcha ensuite, puis se retourna, mit ses mains sur les hanches et regarda le petit garçon toujours silencieux de l'autre côté.

- Si en revanche, t'espérais être le héros d'ces gosses, en butant le monstre que je suis... T'es mal tombé petit con, surtout que tu ne comprends rien à ce monde... J'offre l'amour, l'amour qu'ils n'ont jamais eu, qu'ils n'auront jamais, parce que eux, eux n'ont pas eu la chance immense de croiser la route d'un sorceleur bienveillant et patient, tu comprends, tu comprends, ça ? Ou t'espérais peut-être, être cet homme pour eux... Aaahhh... Mais non, il est trop tard, tu ne peux pas les sauver, comme on n'a pas pu me sauver moi, héhé... Un brin de mélancolie dans la voix. Allez, fais soigner tes plaies, t'as encore plusieurs heures devant toi, et dis à tes maîtres que t'as eu à faire avec des monstres, j'en sais rien, trouve un truc...

Un petit bruit de la bouche, un raclement de la gorge, un crachat, une inspiration, un soupir et le Rouge se retourna, avant de décoller une gauche magistrale dans le menton de Poddrick, toujours conscient avant cela. Coup de poing armé, qui aura raison de la lucidité du sorceleur. Son visage tombera, totalement inconscient.

- Laissez son épée, mais prenez tout l'argent qu'il a sur lui, j'ai entendu des tintements durant l'combat, ce couillon est venu avec son or. On va faire la fête au nom de nos morts les gars, pas b'soin de chialer ! Mais avant ça, on le fout quelque part en dehors des murs, et on condamne cette putain d'entrée pour un moment, on sait jamais.

Et ainsi fut, ils emmenèrent Poddrick à travers les tunnels jusqu'assez loin en dehors des murs, du côté Ouest, et le laissèrent à moitié dans la rivière après lui avoir retiré le carreau enfoncé dans son ventre, et bandé la plaie.

Poddrick s'y réveillera une heure plus tard, et il devait alors être aux alentours de 16h, ou à peine plus, la nuit commençait à tomber. Il pourra remarquer que ses bourses de florins avaient toutes été prises, enfin tout ce qu'il avait de valeur en dehors de son épée et de son médaillon. Même l'anneau de bronze attaché à son cou avait été dérobé... Il se souvenait avec netteté des événements d'avant qu'il s'écroule dans l'inconscience, les souvenirs étaient vifs, il n'avait pas rêvé, impossible, et ses blessures dont les douleurs restaient toujours vives, malgré la légère réparation que l'hirondelle ingurgitée avait faite, lui rappelaient. Que fit-il à son réveil ? Il devait avoir un peu moins de quatre heures, avant d'inquiéter Josef qui attendrait ses élèves à la place principale à 20H.

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Poddrick persistait dans son état comateux, loin du nuage de coton accueillant qui enveloppait chacun de ses membres et les anesthésiant lentement, ses os étaient recouverts d’une épaisse chape de plomb, un plaquage des plus cruel s’abattant même sur sa conscience. Par un miracle de volonté les yeux restaient ouverts, d’immenses pupilles fauves rivés dans une ultime accroche à cette réalité réduite à la masse imposante s’égosillant de milles et un bruitage et des forces qui retenaient ses bras, crucifiant impitoyablement ce corps affaissé. Une désagréable sensation viendra caresser sa joue, suivit d’une douleur nouvelle se répercutant dans son crâne, cette sensation nouvelle l’extrayant vaguement de sa turpitude sans pour autant retirer cette épaisse chappe. Les mots l’atteignaient vaguement, flottant tout autour de lui et formant des ensembles cohérents mais obscures, qui s’agenceront sans aucun doute dans un futur proche, profondément gravés par l’implacable efficacité de la douleur.

Quelques légers sarcasmes incapables d’éveiller la moindre nouvelle animosité tout d’abord, vite suivit par l’annonce d’une porte de secours à sa situation, un espoir fou aurait dut s’emparer de lui, peut être même lui arracher un secours, pourtant seul un très léger signe de tête indéchiffrable marquera sa compréhension de l’annonce alors que la fatigue et la douleur cannibalisaient sauvagement joie, espoir et colère.

S’ensuivi un long réquisitoire contre l’empire, long, trop long, ses paupières batifolaient lentement alors que les mots s’enchainaient sans discontinuer, met la main ferme du Rouge était vive et attentive, prompt à le rappeler à l’ordre et indélébilement chacune de ces phrases iront rejoindre les autres, enfonçant sa mémoire. Puis certains sembleront se détacher, progressivement, se faisant plus brûlant, plus incisif, forant à travers cette bien solide coquille, libérant des volutes de colère se déversant progressivement d’épais volutes de colère embrasant ses yeux. « De l’amour », « un but » quelle mascarade ! Comment pouvait-il seulement penser ça, seulement prononcer ces quelques mots était un sacrilège impardonnable, sa conscience pourtant anesthésiée se recroquevillait, se tordaient, hurlant à chacun de ces blasphèmes qui la rongeait, les liens de l’impuissance la torturant à chacune de ses veines tentatives de se matérialiser. La gueule du démon se tenaient à seulement quelques centimètres de lui, torturé par la haine et sa jouissance face à la souffrance, recouverte de rivières de sang qui semblaient se perdre dans les méandres de la perception :

- Va crver

Fut les seuls mots qui échappèrent de ses lèvres alors que l’impitoyable présence du visage du monstre lui sera soustraite, remplacé par un implacable poing qui s’écrasera contre son visage le privant de toute conscience, et de toute douleur.