La tour du mage en chef

Deithwen entre donc sans toquer, et sans mal, puisque la porte n'était pas scellée. Le vieux mage qui était en train de ranger un livre dans sa bibliothèque se tourne vers la porte, un sourcil d'arqué.

- L'on toque avant d'entrer chez quelqu'un, jeune fille.

Son visage reprend l'entièreté de son impassibilité, et il commence à marcher vers son bureau, sans en rajouter des tonnes au sujet de l'impolitesse de la maudite, prenons ce qu'il savait de son histoire en compte.

- Approchez.

Fit-il ensuite, avant de s'asseoir, et d'ouvrir un tiroir.

La jeune fille, déjà loin d'être sereine avant d'arriver, jette un coup d’œil mortifié à la porte avant de se rappeler d'un conseil donné il y a un moment et de s'incliner assez raidement devant l'archimage.

-ExcusezmoimonsieurjesuisdésoléejenesavaispasjevouspriedexcusermesmanièresdailleursmercidemavoirreçuesivitejemeprésentejemappelleDeith...

Bredouille-t-elle à toute vitesse avant de prendre une grande inspiration puis de terminer.

-Deithwen.

La novice fait quelques petits pas en avant sans savoir où se mettre, tendue comme un arc, et ne tarde pas à loucher sur les mouvements de Valaar.

- ...

Avait été sa réaction, sans qu'il ne la coupe que par l'ordre d'approcher.

- Je sais qui vous êtes.

Dira-t-il tout de même alors qu'elle était désormais devant le bureau sans sièges pour les invités. Ainsi, en "louchant" sur les mouvements du mage, Deithwen peut voir qu'il sort du tiroir un collier fait de petites mailles argentées, et qui était sublimé par un pendentif dans la forme d'un soleil, de la même couleur que le collier.

- C'est une amulette enchantée. Elle permettra d'inhiber quelque peu les effets de votre... malédiction.

Il utilisa ce terme à défaut d'un autre plus juste, car c'était l'aspect négatif du sort qui l'handicapait, qui prévalait sur tout. Valaar tendit tout de suite après l'objet à la jeune fille, l'incitant à le porter.

-Vraiment ?

La jeune fille regarde le médaillon fixement pendant quelques secondes puis s'empresse de le prendre et de l'enfiler, sortant ensuite son médaillon à tête de loup de son haut pour en constater les effets.

-Merci beaucoup. Mais si je peux me permettre...C'est vous qui êtes à l'origine de l'amulette ?

Le cas échéant, quelqu'un avait peut-être déjà fait face à ce genre de problèmes.

Mais ça lui aurait donné espoir.

-Ah...Et bien...tant p...euh, c'est bon à savoir !

La jeune fille se demande si elle est censée être satisfait et partir, mais choisit de tenter sa chance.

-Vous...Vous voulez m'examiner ? Tester la malédiction ? Quelque chose ?

Un peu bizarre comme formulation mais c'était une vieille habitude.

- Vous n'avez pas été mise au courant ?

Demande-t-il sans attendre de réponse, puisque cela semblait évident.

- Votre... malédiction... a été observée. Et concrètement, nous pouvons la supprimer.

Elle n'avait pas encore demandé quoi que ce soit, mais Valaar juge bon d'enchaîner :

- Seulement, de sibyllins symboles sont incrustés dans votre chair, connectés à votre essence vitale. Dans l'état, si nous décidions de l'effacer, vous mourriez instantanément.

Il n'approfondissait pas, c'était en vérité un peu plus complexe, mais la jeune fille n'avait pas les connaissances nécessaires pour comprendre.

La jeune fille se fige complètement en entendant Valaar et reste sans réaction pendant près d'une minute, avant de demander finalement d'une voix très calme.

-A l'époque Rael m'avait dit que ça risquait d'évoluer. Cette restriction est-elle destinée à disparaître d'elle-même un jour...ou dans le cas contraire, ne vaut-il mieux pas me supprimer avant que je ne devienne véritablement dangereuse ?

Ce qui amène Deithwen a se demander fugacement ce qu'on ressent en mourant. Ce n'était peut-être pas si mal après tout. Ou en tout cas bien plus simple.

L'on n'avait pas le luxe de trotter dans le silence durant une minute face à Valaar; au bout de sept secondes, il lui demanda de parler :

- Le temps s'écoule jeune fille.

Si son intervention restait la même :

- Nilfgaard soigne les malades, ne les tue pas.

Un très bref soupir s'exhale par les narines de l'archimage.

- Au demeurant, vous ne devriez pas vous montrer dangereuse, pas contre votre gré.

Si elle le devenait, au vu du ton de Valaar, elle imaginait bien le destin funeste qui pouvait lui être réservé.

- Et puis, nous étudierons cela au fil de votre scolarité ici. N'ayez crainte.

D'une voix égale, ce qui était une sorte de douceur venant de Valaar... S'il se voulait par là rassurant, il pouvait au moins se satisfaire de n'être pas menaçant...

Deithwen aurait sûrement pâli aux premières remarques de Valaar si elle en était capable, mais heureusement, ça ne se voit pas. La dernière interjection lui semble bien ironique au vu de la menace sous-jacente dans les propos qui précédaient.

-Merci de votre compréhension.

Répond-elle machinalement sans savoir quoi ajouter après tout ce qui venait de lui tomber dessus. A moins que si.

-Vous avez déjà rencontré un cas similaire ? Ou quelque chose d'approchant ?

- Il se peut.

Lui répond-il tout simplement, sans développer.

La jeune fille se contente d'une grimace et choisit sagement d'en rester là. Même si le demi-sourire de Valaar lui donne l'impression qu'il se moque d'elle en permanence.

-Une dernière chose. J'ai ramené quelque chose qui ressemble à un chat à Kaer Morhen. Je ne sais pas si Griff vous en a parlé...

Griff s'était-il ne serait-ce qu'entretenu avec Valaar à propos de son cas ? Peut-être s'accordait-elle trop d'importance.

Valaar n'avait pas de demi-sourire, il était impassible.

- En effet.

Pour confirmer qu'il savait qu'elle avait ramené un chat, ou que Griffith lui en avait parlé ? Le doute pouvait demeurer, à moins que Deithwen suppose que Valaar répondait à la dernière partie de sa phrase.

Deithwen prend une grande bouffée d'air et se rappelle que l'archimage vient quand même lui donner un médaillon qui règle une partie non négligeable de ses problèmes. Aussi doit-elle faire preuve de patience et de respect. Indépendamment de son status de superviseur de Kaer Morhen agissant directement pour l'empire.

-Donc...je suppose que je peux le garder ? A moins d'un refus explicite de votre part.

Au moins comme ça s'il lui sort une demi-réponse elle pourra quand même en faire quelque chose.

Valaar la regarde durant approximativement cinq secondes sans rien dire.

- Oui.

Parce qu'il n'avait pas la foi d'expliciter le fait que le félin lui aurait été retiré depuis belle lurette, si c'était un problème.

- Autre chose jeune fille ?

Voilà qui concluait sans doute cette plutôt courte entrevue.

La jeune fille hoche la tête, satisfaite. Ayant été récemment habituée à des relations à base de prévenance et d'explications, elle ne se doute nullement de ce qui traverse l'esprit de Valaar.

-Non, j'espère ne pas vous avoir monopolisé trop longtemps.

A vrai dire elle l'aurait bien monopolisé toute la soirée pour lui demander plein de choses sur la magie et les sorceleurs mais elle avait le pressentiment que ça n'aurait pas la moindre chance d'arriver.

-Je vous souhaite une bonne soirée !

Annonce-t-elle donc avant de tourner les talons pour s'en aller.

Qui ne tentait rien n'avait rien...

- Je vous rappellerai dans quelques mois. Bonne soirée jeune fille.

Ce qui n'était pas nécessairement quelque chose de surprenant pour Deithwen, l'aurait été pour les élèves plus vieux : Valaar était presque aimable ?...

Et c'est à ce moment que la porte s'ouvrit, laissant apparaître aux yeux de la sorceleuse l'impassibilité habituelle du serviteur de l'empire: Valaar Morvid.

-Jeune fille ?

Bien entendu il était difficile de passer à côté de l'air fatigué qu'elle prenait mais il semblait d'abord vouloir lui laisser une chance de s'expliquer d'elle même.

Le stoïcisme du mage n'avait pas étonné Carmia aux premiers abords. Son attitude renfrogné s'était encré dans la tête des sorceleurs, qui maintenant savaient depuis le temps que causer et jacasser inutilement avec celui-ci n'était pas la meilleure des solutions. C'est pour cela qu'instantanément, emprise de zèle, la demoiselle viendra babiller une information. Elle était erronée, mais rien ne laissait présager ceci, surtout pas la prestation de la mutante. S'il réussissait à trouver anguille sous roche, ce n'était certainement pas son talent théâtral qui avait failli à cette mission.  

- " Des fuyards.... I-Ils sont au nombre de quatre à se faire la malle c-ce soir.... Ils... sont en train de passer la barrière, à l'abris des regards et avec la complicité du célicole de... La dernière fois. Je n'ai pas vu leur visage, il faisait trop sombre et ils portaient des chaperons. Les gardes ont repéré du mouvement suite à leur fuite, et i-ils demandent à vous voir pour que je ne sais qu'elle raison... "

Fourrant sa main dans les vagues formées par les plies de son étole, la native de Piana en sortie un parchemin plié maintes fois.  

- " D'autre part, il y a un sujet que j'aimerai aborder avec vous après votre retour, mais il ne concerne en aucun cas l'affaire des rebelles. "

Nul anguille sous roche ne viendra salir la prestation digne des plus grands acteurs ou comédiens de Carmia qui pouvait être fière si tant elle s'en tenait à de telles choses, simplement le germe d'un léger doute, d'une légère suspicion viendra s'immiscer dans l'esprit du mage en chef de Kaer Morhen, comme si ... Peu importait en réalité, le visage du "vieux" mage plissa quelques traits: ses sourcils en particulier faible en rapport au reste qui demeura stoïque.

-Où ?

Le seul mot sortant de sa bouche traitant bien évidemment des fuyards. Mais que voulait-il savoir par là ? Où attendaient les gardes requérant sa présence ou bien le lieux de la fuite des quatre pauvres fous tentant leur chance, désespérément.

-Nous verrons après mon retour ici.

Voyant que ses artifices furent d'une utilité remarquable, elle ne put retenir un rictus qui implorait sa clémence, il souhaitait pointer le bout de son nez sur ses lèvres. Il ne faudra pas attendre plus de trois secondes avant qu'elle n'accède à sa requête, un sourire singulier aux penchants viles effleurera son minois, mais pourtant il n'enlevait rien au sérieux de la scène et surtout à l'air pompeux qui s'installait.

- " Les gardes sont auprès des écuries, c'est là qu'ils vous attendent. "

En vu de cette réponse, la native de Piana avait penché pour la deuxième hypothèse, la première lui aurait exigé trop de temps de réflexion, et elle en avait peu. Si le mage ne vient pas entraver par inadvertance son action, elle se placera dos au mur, du côté où l'ouverture de la porte donnait une vue imprenable sur le bureau. Cette démarche sera assurée le plus naturellement possible, afin que le Nilfgaardien pense à une amabilité ici présente pour lui concéder le passage.