Les rues de la ville basse.

Tandis que les deux jeunes femmes déambulaient dans la ville basse, elles passèrent devant un homme assit sur un rocher, ce dernier scrutait les passants avec une attention inhabituelle. Son regard s'arrêta naturellement sur Carmia et Violette, pour une raison que lui seul connaissait.

- Hé vous là!

L'homme était propre sur lui, le crâne un peu dégarni et des grands yeux lui donnant un air curieux, ses vêtements laissaient entendre qu'il était typiquement monsieur tout le monde: ni péquenot ni riche.

- Qu'est ce que vous faites?

La petite guilde continuait son épopée bien paisible, c'était d'ailleurs au goût de Carmia bien trop calme, elle qui aimait les endroits festifs et aux ambiances endiablées. Réitérant son action qu'elle avait entreprise il y a peu, et revint à la charge en passant son bras libre sur le cou de sa cadette, avec une poigne bien tenace. Il s'agissait là d'un signe de franche-camaraderie et d'affection bien graveleuse, pas d'un langage physique sensé lui intimer une quelconque peur ou représenter un signe intimidant. Une épée dans une main, sa protégée à bout de bras, elle semblait l'avoir prise sous sa tutelle, bien que cette action ne soit qu'illusion et hypocrisie.

- " Je ne cache rien sous cette fourrure, du moins, rien de si intéressant pour être montré. Mais dis-moi, pourquoi m'avoir suivi et avoir menti au garçon ? Réponds franchement. "

Déglutinant avant de soupirer bruyamment, elle leva les yeux au ciel qui à cet endroit de la ville semblait se couvrir de cumulonimbus bien ternes.

- " Je t'ai montré mon médaillon, bien sûr que je vis à Kaer Morhen, je suis juste discrète. Et j'aime bien cet endroit, c'est tout, au moins ici il n'y a pas de citadins névrosés qui reluque ton accoutrement et tes yeux à la moindre occasion " Elle pointa ses pupilles ambres pour illustrer son propos.

Ses paroles prendront d'ailleurs une tournure bien ironique, l'interpellation d'un énième vieillard à son encontre le démontrait. Ne prenant pas la peine de s'approcher de lui, elle lui lança sur un ton méprisant :

- " On parle, et toi, qu'est-ce que tu fais à part importuner des inconnues ? "

La jeune fille se laissa étreindre cette fois-ci, clignant plusieurs fois des yeux pour s'accoutumer, après tout à première vu elle n'avait pas l'air agressive envers sa personne, mais ce n'était que la vue d'extérieur, et elle était contente de trouver une fille avec qui discuter, du haut de ses 15 ans.

- Et bien.. Je préfère cet endroit que les rues riches jusqu'à présent. Tu n'as pas d'épée, j'en ai une.. on peut toujours s'arranger.

Elle ne savait pas autrement que par ce biais l'expliquer, mais elle fit un lien entre leur cheveux et leur yeux par un index frivole pour souligner des points communs.

- Tu aurais pu le garder en souvenir, à moins qu'on doive le rendre ? Mais il nous protège n..

Violette arrêta de parler pour regarder l'homme qui les interpelait de haut en bas.

- Et vous, qu'est-ce que vous faites ?

Demanda-t-elle sans méchanceté, intriguée mais sur la réserve, se soustrayant de la conversation par le bras de Carmia qui la cachait, y cachant son regard, ses yeux.

- Vous parlez.

L'homme scruta une fois de plus les deux jeunes femmes avec attention, les détaillant de haut en bas.

- Un peu suspect non?

Avant de répondre aux questions qu'on lui posait après avoir plissé les yeux.

- Je surveille les environs, je suis un citoyen vigilant. Ca vous dérange? Quelqu'un qui n'a rien à se reprocher ne serait pas dérangé par le regard d'un honnête citoyen hum?

Salazar se rend compte qu'il est comme par hasard juste en face de la maison des trois frères. Il s'approche donc de la maison et toque trois fois a la porte pour voir s'ils sont la.

-Les gars c'est moi Salazar !

Murmure t'il assez fort pour que une personne qui soit derrière la porte entende.

Décidément, les vieux de ce monde n'avaient pas fini de lui causer du tord, et ce pour de multiples raisons. La dernière en date était totalement abjecte ; tergiverser avec une camarade devenait suspect à ses yeux ? Après mûre réfléxion, ce n'était guère étonnant, vivre dans un lieu malfamé comme celui-ci poussait à la paranoïa tôt ou tard, cet homme-là devait déjà être ravagé par cette maladie, et son cerveau nécrosé par ses idées farfelues. Laissant son étreinte de côté pour s'approcher du sénile lentement, l'arme en main, elle hésita entre jouer les insurgés ou bien appuyer sur la folie naissante de l'homme. Finalement, la deuxième option semblait être la plus drôle :  

- " Je parle en effet. Cependant, regarde ma main " Elle leva celle tenant le glaive pour lui mettre l'élément subtilement sous le nez. " Ce n'est pas de simples paroles que vous devriez avoir peur, mais de ça. Tu veux que je t'y fasse goûter ? Ou tu préfères la fermer et me laisser moi et cette fille tranquilles ? "

- Vous ne faîtes pas que nous regarder mais vous nous interrogez, nous sommes bien obligées de vous répondre, enfin..

Violette équarquilla les yeux, malgré les propos qu'elle avait du mal à ne pas prendre comme outrageant, comment parler pourrait bien suspect ? Lui parlait bien et, en "citoyen" modèle et homme, ça ne semblait être un problème que pour..Carmia. Comment ne pas paraître suspect sinon de l'exposer aux yeux de tous avec une arme autre que la sienne à la main.

- Carmia ? N'y aurait-il pas d'autre "citoyens vigilants" qui pourraient.. hum.. rôder..?

Sa voix était anxieuse et pressente, et sa main hésitait sur le fait de retirer l'épée des mains de Carmia, mais elle avait peur de s'y couper.

Le citoyen vigilent au nez proéminent fronça les sourcils face à la menace de Carmia, mais fit étonnement front, d'ailleurs le sien aussi (de front) était proéminent.

- Et des menaces avec ca! Si ca cache pas quelque chose ca.

Il regarda Carmia, puis Violette, puis de nouveau Carmia.

- Vous travaillez ensemble, je le vois bien. Vous "parliez". Il avait mimé les guillemets avec ses doigts Il y a parler et parler, hum.

Il vit soudain quelque chose de suspect, très suspect: quelqu'un qui marchait dans la rue et qui était là depuis un moment. Enfin, il y avait marcher et marcher, lui les épiait sûrement. Il se leva lentement et fronca les sourcils, puis rouvrit les yeux car à force de les plisser, il les avait totalement fermés.

La psychose dont faisait preuve le vioc faisait monter la hargne en elle. Une insatiable envie de l'envoyer valser dans tous les sens du terme, autant physiquement que métaphoriquement. Rangeant la lame dans son fourreau, plus aucune menace ne pouvait atteindre le vieillard. Elle espérait que ce geste soit vu comme miséricorde. Cependant, la gamine était une fille impétueuse, et elle allait tôt ou tard réclamer une contre-partie. Celle qu'elle allait lui formuler était loin d'être alambiquée. Elle la lui posa avec une pointe de révulsion :

- " Bon, j'ai rangé mon épée, maintenant fais moi le plaisir de fermer ta gueule et d'aller ailleurs. Si tu t'avises de ressasser ton baratin, je ressors ma lame pour te la foutre au cou "

Sur ses mots, elle se dirigea vers Violette, si elle n'est pas encore une fois interpellée sur son chemin. Elle est d'ailleurs trop en rogne pour remarquer les va et vient de ses comparses.

- Monsieur, il faudrait songer à déménager de quartier..

Proposa la jeune fille en clignant des yeux, et fit un aller retour entre les yeux citron de la jeune femme et l'adulte. Elle vit que Carmia prenait un malin plaisir à rengainer une épée qui n'était pas à elle dans son propre fourreau, Violette le remarqua mais ne le souligna que par un bref regard avant de dire une dernière fois à l'intention du citoyen "vigil":

- Notre travail est de débarrasser les environs de tout ce qui est suspect, on est de votre côté.

Bizarrement, elle eut besoin d'une confirmation et c'est pour cela qu'elle encra son regard sur Carmia, avec le même air complice mais un peu plus autoritaire.

Par chance pour tout le monde ici, un concours de circonstances avait dirigé l'attention du citoyen vigilant vers Salazar.

- Vous avez rangé votre épée et vous êtes de mon côté. Comme par hasard.

On voyait cependant qu'il était sur le départ, il s'agissait sans doute là de sa dernière intervention, puisqu'il se dirigea vers la direction prise par Salazar.

Une promesse est une promesse, celle-ci ne déroge pas à la règle, et Carmia est une femme de parole. Aussitôt le pleutre eût l'idée de récidiver, que la silhouette charnue de Carmia fonça sur le pauvre homme. Sa main gauche sur l'encolure présente sur le col du suspicieux, sa main droite sur le pommeau de sa lame, celle-ci palpitait et offrait aux oreilles de tout à chacun un magnifique concertos de cliquetis. Les yeux safrans brûlant d'intérêt et de haine pour l'inconnu, elle lui murmura alors :

- " T'es dur d'oreille toi. Pourquoi tu nous fais chier comme ça ? T'es qui ? Tu fous quoi ici ? "

Une fois de plus, Violette avait son mot à dire et leva son index pour confirmer qu'elles l'étaient, avant que Carmia ne vienne.. contredire ses suaves paroles.

- Car..

Un poil énervée de la situation, la jeune fille arriva au trot et silencieusement derrière Carmia pour défaire l'attache du fourreau qui l'entourait. Dans l'espoir qu'elle porte son attention sur elle et sur l'absence d'une tenue du pommeau, elle pourrait remettre en question le fait que ce n'était pas un endroit pour ce genre d'agissement, où au contraire, idéal et qu'il ne fallait pas donner raison à cet énergumène. Pourtant son dessin de préserver la vie et santé mentale déjà ébranlée d'un autre ne pourrait passer que par la défaite de l'attache du fourreau: comme mal venue et tout à fait fortuite si elle arrivait à être agile: Après tout elle avait passé ses deux années à Kaer dans la forge à observer certains détails avec discrétion.

Soulevé du sol, l'homme au béret en peau de genou était déstabilisé, mais pas surpris, il tente de faire lâcher prise à Carmia tout en continuant sa démonstration.

- Ah! Votre associée vous a doublé! Je savais bien que vous trempiez dans des affaires louches! Maintenant lâchez moi j'ai plus urgent à faire.

En effet, il avait commencé à pister quelqu'un qui marchait, enfin, il mettait un pied devant l'autre et recommençait, le reste... Soit dit en passant, peut être ce contre temps allait il lui faire perdre la trace de Salazar.

Exaspérée et hébétée par tant d'inepties délivrées en si peu de temps, la résignation remplaça la colère qui nappait son regard ocre. En arrivant à la conclusion que l'homme ne devait plus avoir toute sa tête et qu'il n'avait pas la lumière à tous les étages, elle fut prise de dégoût envers lui, et envers elle également. Au final, elle s'était faite enlisée par le jeu loufoque du vieillard et était rentrée dedans. Lâchant de manière condescendante le col, elle se tourna vers Violette, à qui elle daigna offrir un regard qui signifiait beaucoup :

- " Je vois, reste donc avec le vioc si ça te chante, j'me casse moi "

Sans cri égard, elle abandonna l'épée avec sa propriétaire. Sachant que sa cadette ne connaissait pas le quartier, elle allait profitait de cet avantage pour semer sa présence. S'enfoncer dans les artères puis les veines du quartier, elle chercha un coin désert afin de se restaurer et de se remettre de cette mésaventure qui venait de saboter ses plans.

Violette délesta l’épée que portait Carmia. Au moins ne lui avait-elle pas tranché la gorge et le vieillard s’en trouvait ralenti. Elle ne pu s’empêcher par ailleurs de lui donner un sérieux coup d’épaule pour le faire dévier de trajectoire mais surtout pour qu’il se taise, en feignant la maladresse.

Sauf que dans sa main se tenait son épée et le fourreau de la jeune femme, et des qu’elle commença à s’avancer pour la distancer, elle couru un peu pour aller au devant d’elle et se mettre en face pour lui tendre son fourreau.

- Tiens.

Apparemment dans l’esprit de camaraderie, après quelque instants immobile, elle se décalera pour la laisser passer si elle le souhaitait, soutenant d’abord son regard pour finir par le baisser.