Parcours d'Obstacle

L'absurde avait guidé jusqu'ici sa nouvelle muse potentielle, lui répondant qu'il passait lui aussi très rapidement à autre chose et que c'était à elle de se méfier. Il chantonna tout le trajet durant, et ne savait trop comment il était parvenu là, il avait marché d'un air assuré mais en réalité totalement hasardeuse, avait emprunté des couloirs et des escaliers, parcouru coins et recoins, et la providence l'amena pourtant à son but initial sans qu'il ne s'en rendît compte. Sa démarche chaloupée ralentit doucement, pour s'arrêter face à la grande muraille du château et à l'étrange parcours qui y menait, s'agissait-il d'une sorte d'entraînement ? Probablement. Son corps grotesque ne manquait pas d'agilité, et le défi que représentait ce chemin tortueux vers les beautés subtiles de l'horizon lui donna plus qu'envie : après avoir été torturé, reconfiguré, et s'être réveillé tout embrumé, il était temps de se dégourdir.

- Les dames d'abord, proclama Nero d'un air badin en désignant le parcours d'obstacle. Je serai tout à fait ravi de voir votre gracieuse agilité à l'œuvre, et refuse catégoriquement de discuter avant que nous ne soyons en haut de cette muraille. Je sais bien que vous mourrez d'envie d'entendre ma voix, donc allez-y : hop hop hop !

Camille l’aura suivi à la trace, lui répondant que c’est bien elle qui était en position de force dans cette ”relation”.

- Dites plutôt que vous attendez de voir comment je fais pour me copier!

Malgré tout, elle s’hissera en haut de la muraille avec agilité et une sorte de presque violence. Elle lui fera alors signe de grimper à son tour.

Les arguments voulant qu'elle eût l'ascendant sur lui n'avaient nullement convaincu l'absurde, qui avait malgré tout son petit ego bien gonflé. Il fallait tout de même admettre qu'il l'avait faite passer avant pour observer la manière dont elle s'y prenait et apprendre en conséquence : il avait beau être formé à l'agilité, son apprentissage restait celui d'un bouffon et n'incluait pas de parcours d'obstacles, simplement diverses pirouettes, numéros d'équilibriste et le jonglage. Il escalada donc les parois escarpées en prenant les mêmes appuis astucieux que ceux empruntés par la demoiselle, sauta par dessus les embuches en suivant le même itinéraire, et in fine, ne se débrouilla pas mal du tout pour un débutant. Il parvint donc au même stade qu'elle, sans prononcer un mot avant de l'avoir atteinte, comme promis.

- Me voici, me voilà, votre calvaire prend fin, ma voix angélique ne vous est plus interdite. J'entends déjà votre petit cœur battre la chamade, comme c'est amusant !

Après ces quelques phrases, il s'assit avec leste et nonchalance sur le rebord de la muraille pour observer le domaine qui s'étendait à ses pieds, les forêts verdoyantes, les bosquets perdus, les ruisseaux solitaires, les champs d'où émanait le chant mélancolique des criquets, et les montagnes qui touchaient le ciel mordoré de cette soirée d'été. Un profond soupir glissa d'entre les fausses lèvres de son masque, et le silence régna quelques instants, ne laissant bruire que les cimes des arbres environnants, rendues volages par la caresse du vent.

- D'où venez-vous, damoiselle Camille ? Demanda-t-il finalement en s'adressant à elle comme à une noble, bien qu'il ne sût rien de ses origines.

Elle l’observa, fortement amusée, l’admirant recopier ses moindres pas, comme elle l’avait prévu.

- Je reste de marbre face à vos avances, tout ce que vous pourriez faire à mon cœur c’est le tuer d’ennui.

Elle viendra s’installer aux côtés de Nero, à environ un mètre de lui, ses yeux rivés sur le panorama face à elle. Malgré ces deux années ici, ce paysage gardait toujours autant de charme à ses yeux. Elle sembla légèrement se refermer à la mention de son passé, répondant sèchement.

- Novigrad.

Il ne put s'empêcher de laisser fuir un rire clair et quelque peu sardonique en écoutant les réponses de la sorceleuse.

- Je ne cracherai certainement pas sur la capacité de tuer les gens d'ennui, ce serait fort pratique. J'ai d'ailleurs l'intuition que vous allez m'apprendre à le faire, au vu de votre réponse ! Quelle joie, je suis bien chanceux d'être tombé sur vous, Rétorqua-t-il pour tourner en dérision l'air et la réponse morose qu'avait causé sa question. Ceci dit, je vous raille, mais je ne tiens pas à vous forcer à évoquer des sujets difficiles pour autant. Parlez donc de ce qui vous plaira.

Elle pouffa de rire en réaction à cet habile trait d’humour.

- Vous êtes fraîchement débarqué ici, pourtant, vous n’avez l’air troublé.

- Pourquoi le serais-je ? Je me laisse porter au gré des vents, et ainsi va la vie. Je ne suis pas mort comme certains c'est déjà cela de prit. Votre venue ici vous a-t-elle tant troublée, en votre temps ?

Demanda-t-il simplement en retour.

- Disons qu’on a vécu certains évènements...

Sa nuque pivota, son regard vint s’ancrer sur Nero.

- Ça change quand même beaucoup de choses, de devenir sorceleurs, vous savez? Nous ne sommes plus considérés au même regard que de simples humains.

Il ne put s'empêcher de rire, presque hystériquement à cette histoire de ne pas être considéré comme humain.

- Être considéré comme un être humain n'a jamais été dans mes aspirations, damoiselle Camille ! Dit-il péniblement, tant il avait du mal à s'arrêter de rire. Non, je vous assure cela ne change rien du tout... mis à part que les araignées et leurs proies m'empêchent de dormir, ce qu'elles peuvent être bruyantes ces bêtes. On ne s'en rend pas compte lorsque l'on n'est pas sorceleur.

Son ton lorsqu'il évoqua le tapage nocturne des araignées en chasse parut soudain beaucoup trop sérieux, il n'y avait eu aucune transition logique entre son rire incompréhensible et la froideur avec laquelle il avait évoqué les bêtes.

Elle arqua un sourcil, à la fois amusée et son intérêt titillé. Ceci dit, il n’avait pas tort.

- Ça ne change rien oui... Des enfants heureux n’atterissent jamais ici de toute façon.

Nero était troublant, comme si sa présence même n’était qu’un vaste mensonge, son comportement une mise en scène.

Le regard du jeune homme était rivé dans les nuages, il paraissait particulièrement concentré dessus. Peut-être pratiquait-il le jeu des paréidolies, ou quelque chose de semblable. Quoi qu'il en fût, il n'observait pas le visage de la jeune femme en lui parlant.

- Et beaucoup en sortent-ils heureux ?

Elle haussa les épaules.

- Ceux partis n’ont pas souhaité revenir en tout cas.

- C'est encourageant, quelque part. Peut-être sont-ils plus heureux là où ils sont !

Un certain optimisme semblait irradier de lui en cet instant, contrastant totalement avec l'air las qu'il avait eu en s'asseyant devant le paysage. Quelque chose chez lui avait l'air de clocher, c'était tout à fait certain, voire évident. Son masque pivota lentement pour fixer le visage de Camille, dans une tentative apparente de lire en elle, d'analyser ses émotions.

- Vous considérez-vous donc si malheureuse ? Le malheur d'une femme a quelque chose de poétique, je dois le dire, c'est succulent, mais je préfèrerais tout de même vous savoir heureuse, damoiselle Camille. Qu'en est-il donc ?

- Ils sont sûrement mieux qu’ici, la dernière chose s’étant déroulée ici étant un massacre...

Elle fixait le paysage, semblant contemplative, pensive. Visiblement, cette jeune fille était elle aussi complexe, et Nero avait bien du mal à la cerner. C’était réciproque.

- Malheureuse? Non, non, pas du tout. Je relativise.

Le lombric se releva alors d'un bond agile, et porta son corps à l'allure particulière le long de la muraille, à la manière d'un équilibriste. Rester assis commençait peut-être à l'ennuyer, mais rien n'était jamais sûr avec cet être là. Il commença donc à s'éloigner en parlant d'une voix vive, sans se retourner un seul instant pour vérifier si la fille suivait ou l'écoutait. Sa tunique bleutée prenait à la lueur du couchant des tons légèrement violacés, et battait dans le vent pour venir se coller à sa peau par endroits, révélant un corps encore plus rachitique qu'il n'y paraissait de prime abord.

- Oh un massacre, j'adore les histoires de massacres damoiselle Camille ! Elles sont toujours pleines de drames, elles font pleurer les petits enfants dans les chaumières et attisent la haine dans le coeur du badaud, rien de mieux que ces choses là pour raviver le souffle épique et déclencher moultes batailles ! Racontez moi donc, et j'en ferais un chant, possiblement. Peut-être. Enfin, sauf évidemment si vous voulez parler du jour où vous vous êtes fait cette horrible éraflure sur votre joli minois, entonna-t-il d'une voix très musicale, en se retournant enfin vers elle pour pincer ses doigts, et agiter le poignet rapidement devant son masque afin de singer la forme de la cicatrice avec sa main. Ça, c'est un sacré massacre, mais pas digne d'être chanté.

Camille l’aura regardé s’adonner à sa petite performance, assez amusée. C’était curieux de faire ça, à la fois dangereux, stupide et débile. Mais Camille n’en avait semble-t-il que faire, c’était divertissant, presque admirable: Nero avait l’honneur d’être un garçon spécial, peut-être même totalement fou. C’était assez pour s’attirer l’intérêt de Camille, qui visiblement préférait ne rien comprendre des actions de son interlocuteur que d’être lassée face à des gens trop prévisibles.

Elle l’écouta alors, à la fois amusée, mais aussi un peu rebutée: elle ne partageait pas son avis sur la nature divertissante des massacres. Son sourcils droit s’arqua, alors que sa fine main gauche se levait, index tendu, semblant effectuer un plouf-plouf imaginaire.

- Bon, eh bien partons sur l’histoire de ma cicatrice...

Son visage fut parcouru d’un sourire discret, elle commença son récit.

- C’était il y a longtemps, peut-être à cette époque avais-je sept, huit ans. Dans les rues de Novigrad mon errance s’effectuait, et, à ma grande surprise j’ai vu ce que personne ne devrait voir: un groupe de malfrats en train de violenter des citadins. L’un d’eux s’est rué sur moi, et la lame de son épée vint briser la porcelaine de mes joues. Par chance, l’attaque était maladroite, et j’ai pu m’enfuir dans le dédale des bas quartiers de la plus grande ville du monde.

Le bouffon écouta avec attention mais n'en laissa rien paraître, il continuait son numéro d'adresse puéril avec il fallait l'avouer, une certaine grâce dans ses mouvements. Il ne s'arrêta qu'à la fin du récit de la fille au visage meurtri. Ses longues jambes se posèrent sur un appui moins précaire dans un mouvement quelque peu particulier, à tel point que son corps parut un instant être inarticulé. Il revint enfin vers elle en faisant "non" avec son doigt ganté.

- Cette histoire ne va pas du tout, mais alors pas du tout ma belle ! Où est le souffle épique, où est la tragédie ? Le spectateur n'a pas l'occasion de s'attacher aux personnages, ces citoyens violentés ne sont pas introduits, et votre souffrance est trop immédiate. Ce n'est pas vendeur, il est temps de retravailler tout cela : vous êtes sorceleuse, pas ou plus une gamine des rues comme on en voit partout, les gens s'attendent à une personne sombre et taciturne, à une vie de souffrance, à des tortures et à du drame, il faut trouver quelque chose de plus sensationnel pour vous rendre crédible dans votre rôle. Personne ne voudra embaucher pour occire un vampire une fille qui se fait malmener par un malfrat incapable d'infliger plus qu'une égratignure ! L'image c'est capital, Damoiselle Camille.

Camille fronça les sourcils, semblant cette fois-ci sortir quelque peu de son rôle, son expression auparavant ouverte se refermant.

- Je ne vais pas enjoliver les faits.

Elle avait dit cela d’une voix nette, presque agressive, ses yeux ancrés lourdement sur son interlocuteur.

L'ombre leva simplement les bras en l'air et répondit d'une voix musicale.

- Ma foi, c'est bien dommage ! Mais je devrais vous le suggérer plus souvent, cet air renfrognée vous va à ravir.

Il se rapprocha d'elle d'un pas vif, de plus en plus, et se pencha légèrement sur son visage pour l'observer de plus près.

- Cet évènement vous a-t-il traumatisé, Damoiselle Camille ?

- J’en sais rien, mais si tu t’approches encore c’est toi qui va finir traumatisé.

Lâcha-t-elle, le fixant dans les yeux d’un air dédaigneux: visiblement, il l’avait vexée.

Il recula alors lentement et lui dit d'une voix amusée :

- Vraiment adorable. Je vais vous laisser respirer, Damoiselle Camille. Nous nous reverrons une prochaine fois quand je l'espère, vous aurez pardonné ma grossièreté.

Ce sur quoi, il s'en alla en lui faisant un signe amical de la main. Visiblement, il avait touché du doigt la limite.

Erik assistât à la chute de son camarade au style de grimpe qui semblait pourtant rageur et assuré. Il ne pu retenir une grimace devant la violence de la chute. Il regarda un instant le panorama grandiose qui s'étendait sous leur yeux. Les montagnes et la forêt de résineux s'étendait à perte de vue, et le soleil déclinant ne gâchait rien au spectacle. Erik reposa les yeux sur son camarde qui se relevait péniblement. Il lui rendit son signe de main :
- Salut, alors t'arrive pas à grimper ? dit il un sourire bienveillant sur le visage. Si tu veux je peux t'aider, quand j'était à Skellige je grimpait dans les arbres.

Basriek eu un petit rite devant son echec , il s'avança vers le jeune garçon , la douleur c'était un peu calmer

-Brillante déduction ! Oui c'est pas trop mon fort, j'ai toujours était une vrai bête de somme mais aussi souple qu'un boeuf bourré comme tu peux le voir... Je pense que même les meilleurs conseils du monde changeront rien sans un entrainement d'acharnée ! Mais je técoute !

Encore un autre Skelligien , Basriek en avait déjà rencontré un aussi , mais celui ci était déjà plus amical

Erik ne comprenais pas l'ironie. Ce n'étais pas de coutume sur Skellige.
-Oh bas tu sais c'était simple à voir, tu es tombée dit il en rigolant.
-Alors la règle pour être bon en grimpe c'est d'avoir de la force dans les mains, de reposer son poids sur ses jambes et pas sur ses bras, sinon tu peines trop; et surtout il faut toujours gardé au moins trois appuies (véridique). Regarde je te montre.
Erik s'élance à l'assaut de la parois, non sans un certain charisme. Il grimpe quelques mètres avec aisance, alternant ses positions, jouant de ses pieds et de ses mains. Il se retourne alors et lance à Basriek :
- vas y essaye de me rejoindre !

Basriek était intrigué, le jeune garçon pensait qu'il parlait sérieusement ? Les membres de Skellige était bien étrange... au moins il a pu survivre a leurs deux premieres rencontres, très peu des vieux marins qu'il avait croisé pouvait se prétendre une telle prouesse.

Basriek se sentit un peu honteux en voyant que le jeune homme était si agile, a escalader alors que lui avait du mal... mais il compris son erreur déjà , pas assez d'appuies et surtout utilisait trop ses bras, saisissant son courage pour faire face a son echec, il se dirigea vers le mur, mit ses deux mains sur les accroche, et commenca sa progression en gardant bien les conseils en tête...

C'est vrai que c'était bien plus simple comme çà !

- J'arrive ! Emit d'un ton enthousiaste.