La place du carrefour

Un homme, dans la quarantaine assez ventripotent était présent sur la place du carrefour. Il était accompagné de son fidèle luth et avait le regard baladeur. Un regard à gauche pour voir une allée, un regard à droite pour admirer le fessier d'une demoiselle puis un regard en arrière pour voir si personne n'en avait après sa bourse. Il continuait son vagabondage avec un grand sourire. La gentillesse et la bienveillance pouvaient se lire sur son visage.  Au bout de quelques minutes de marche, il se trouva un mur où s'accouder prêt d'une allée et où il pourrait faire profiter le peuple de ses talents musicaux. Il se mit alors à jouer.



- Qu'est que l'amour ? ♫ Demoiselle, ne me blesse pas, ne me blesse pas, je t'en supplie.  ♫

Il continua jusqu'à terminer sa musique puis salua la foule. Certaines personnes s'arrèterent quelques instants pour l'écouter, d'autres firent une drôle de tête devant cette musique qui semblait venir d'un autre temps. Certains membres de son public l'applaudirent à la fin, d'autres lui jetèrent un peu d'argent au sol. C'est toujours le sourire aux lèvres qu'il croisa le regard d'un jeune homme avec un bien étrange médaillon. Il se mit à le fixer, sans rien dire, toujours avec son sourire d'ange.

Il détourna le regard du jeune homme quelques instants pour embrasser ses mains et envoyer des baisers à son public.

- Demoiselles, damoiseaux, mesdames, mes seigneurs ! Merci de vos applaudissement ! Je suis touché devant de telle gentillesse à mon égard ! Je vais devoir toutefois vous laisser puisque de nouvelles aventures m'attendent, moi et mon fidèle Grulmi !

Il fit une éclatante révérence pour saluer une dernière fois son public bien aimé avant de s'en aller à travers la foule et de se rapprocher de l'objet de son désir. Objet qui était en réalité un jeune homme. Non pas que Lmom'heo était de ce bord là, bien que certains diront que sous l'effet de l'alcool, un trou reste un trou. Il continua son petit trajet jusqu'à arriver en face de cette homme, une fois en face de celui-ci; il rapprocha son visage souriant de celui de son ambition. Il l'observa de bas en haut avant de remonter une nouvelle fois jusque son cou et d'arrêter son regard juste au niveau de son médaillon.

- Messire ! Loin de moi l'idée de vous importuner mais par le plus curieux des hasards, ne seriez-vous pas un sorcelleur ?

Le public se dispersa en majorité, marqué par le verbe du barde qui dégageait une évidente bonhomie, ce par bien des aspects. Cadron quant à lui faisait mine de guetter des contrats bien qu'en réalité les annonces pullulaient dans une ville telle qu'Aldersberg: toutes plus inutiles les unes que les autres. Entre les mots de corbeaux, les gens cherchant leur chat ou les insultes anonymes, on pouvait dire que la population savait être créative mais pas forcément utile à qui cherchait du travail de sorceleur. Mais le travail venait sous bien des formes, qu'il s'agisse d'une affiche sur un panneau ou de quelqu'un qui vous interpellait, ici un barde. L'intéressé se tourna finalement vers lui, tendant l'oreille à son adresse avant de lui répondre d'une voix étonnement posée, bien loin de ce que l'on pouvait attendre d'un sorceleur solitaire ou bourru. Lui semblait plus posé et introverti, presque lunaire et lointain.

- Il s'avère que je suis effectivement sorceleur. Commença t-il en effectuant un signe du menton vers le barde afin de le saluer. Ce pourrait il que par le plus curieux des hasards vous ayez quelque travail pour moi ?

Reprenant les mots de son interlocuteur qui avait une définition assez large du hasard: quelqu'un habillé comme un sorceleur, portant une épée de sorceleur et un médaillon de sorceleur, ça faisait beaucoup.

Il éloigna son visage de celui du sorcelleur puis posa sa main contre sa poitrine tout en fermant les yeux.

- Vous ne pouvez deviner la joie que j'ai en rencontrant enfin un sorcelleur. Nous pouvons dire que vous êtes un peu ma première fois et c'est un honneur d'avoir pu faire cette magnifique découverte avec un  homme aussi admirable et esthétique que vous.

Il rouvrit les yeux avant de joindre les paumes de ses mains et de tourner le dos au jeune homme.

- Je me prénomme Lmom'heo Baard mais vous pouvez m'appeller Mom'ho, un prénom bien plus court et simple à retenir. Loin de moi l'idée de vous BASSiner mais laissez moi vous compter mon histoire.

Il serra son poing droit et se mit à tousser dessus avant de gesticuler au rythme de son monologue.

- Je suis un demi-elfe, né d'un père elfe et d'une mère humaine. Au cours de ma jeunesse, mes professeurs et moi même nous nous sommes rendu compte que j'avais le malheur d'être venu au monde avec deux mains gauches dans l'utilisation de lames et d'arcs. Toutefois, dans ce malheur, il s'est avéré que j'avais un don pour l'utilisation d'une des armes les plus destructrice dans ce monde, la plume et que malgré mes deux mains gauches dans l'art de la guerre, ceci se transformaient en doigt de fée dans l'utilisation d'instrument de musique.

Il toussa une nouvelle fois avant de se retourner vers la jeune sorcelleur, vérifiant que celui-ci ne s'était pas enfuit entre deux tirades.

- Voyez-vous, je me suis rendu compte, bien trop tard, que resté dans la même ville à jouer la même musique n'était point ma destinée. Cette triste vie ne m'offrait qu'une perspective d'un rouage qui se répétait sans cesse le même geste jusqu'à sa destruction. Je me suis donc mis à la recherche de ce qui pourrait vraiment me réveiller, me permettre de remettre et j'ai donc pris une décision radicale. Celle de mon village pour rencontrer des aventuriers et ainsi narrer leurs exploits....

C'est toujours le sourire aux lèvres qu'il leva les bras en l'air.

- Et qu'est-que le plus curieux des hasards m'offre aujourd'hui ?! La rencontre avec un charmant sorcelleur ! La rencontre avec ma destiné ! Dieu m'offre la providence ! Il m'offre enfin ma raison de vivre ! Je vais enfin pouvoir narrer de véritables exploits et permettre à ma vie de réellement commencer !.

Lmom'heo attrapa les deux mains de du sorcelleur et se mit à le fixer dans les yeux sans cligner.

- Je n'ai point de quête à vous offrir, mais je vous le demande en tant qu'homme, en tant que barde ! Laissez-moi vous accompagner dans vos quêtes pour trouver l'inspiration et pouvoir narrer l’héroïsme des sorcelleurs !

Si Cadron n'avait pas eu une certaine maîtrise de lui même, il aurait manqué de s'étouffer face au discours du trublion face à lui. Le fixant tout du long, ne baissant la tête que pour regarder le malheureux toucher ses gants tout en songeant qu'il était un peu trop tactile à son gout. Il écouta toutefois sans faillir, fronçant parfois les sourcils en se demandant ou l'homme voulait en venir. Cadron n'était de passage à Aldersberg que pour quelques jours, il n'aurait pas imaginé être confronté à ce genre de demandes somme toute rares. Il afficha finalement un air désolé.

- L’héroïsme l’héroïsme... C'est vite dit. Je regrette mais je ne pense pas que vous trouverez en ma compagnie quelque chose de bien trépidant à raconter. Et puis vous savez sorceleur c'est un travail dangereux tant pour celui qui le fait que pour celui qui regarde. Je patauge dans l'eau et la boue pour combattre de la vermine alors... Je ne sais pas si je suis votre homme. Mais...

Cadron était conscient qu'on lui opposerait la fausse modestie, et que seul l'argument de la boue pourrait peut être calmer les ardeurs du barde. Il continua de suite, ayant laissé sa phrase en suspend un court instant, comme s'il réfléchissait.

- Des jeunes tout juste sortis de formation ont rejoint la Voie il y a peu. Peut être seraient ils plus prompts à vouloir être accompagnés d'un barde. Et puis imaginez l'histoire: chanter l'histoire d'un jeune sorceleur qui devient un héros, et louer son ascension du début à la fin jusqu'au Martin Pêcheur.

La célèbre enseigne était de celles qui faisait rêver n'importe quel barde, étant l'une des tavernes les plus en vue de Rédanie.

Il avait écouté le moindre propos du jeune sorceleur. Il déposa son index et son pouce sous son menton et fronça ses sourcils l'air pensif.

- Je n'ai point peur du danger mais il est vrai que je souhaiterai éviter d'abimer ma sublime couture. Toutefois votre deuxième offre m'a l'air très alléchante. Accompagné de jeunes sorcelleurs dans leur ascension, pouvoir narrer leurs exploits pour finalement avoir l'honneur de conter leurs aventures dans le Martin Pêcheur, un barde ne peut rêver d'une meilleure vie ! D'autant plus qu'avec un peu de chance et de talent, j'arriverai à les dissuader d'aller dans des zones marécageuses.

Il s'arrêta quelques instants et se mit à caresser son menton, réfléchissant de plus belle.

- Hum.... C'est assez gênant mais je ne connais toujours point votre nom alors que vous connaissez le mien... Peut-être que vous, les sorcelleurs n'aimaient point le dire ? Dans tous les cas, accepteriez-vous de m'en dire plus sur ces jeunes sorcelleurs ? Accepteriez-vous même de me guider jusqu'à eux ? Ne vous inquiétez pas, une fois en en face de ceci, j'utiliserai mon charme légendaire afin de les convaincre de me laisser les accompagner dans leurs incroyables péripéties.

Cadron était plutôt satisfait de sa diversion, hochant la tête doucement tout en déclarant "C'est cela oui" "Exactement" tandis que le barde évaluait sa proposition. Le sorceleur croisa les bras sur son torse, laissant son médaillon guetter le dénommé Mom'ho. Les jeunes auraient affaire à lui, mais c'était nécessaire, il ne désirait pas que l'on s'intéresse trop à lui.

- Mille excuses, je manque à tous mes devoirs. Il déplia une de ses mains auparavant nichée dans son coude pour appuyer son excuse. Je m'appelle Cadron, Cadron d'Aldersberg. Je suis né ici mais c'est la première fois que je remets les pieds au bercail depuis au moins deux décennies... Sous entendant qu'il n'était pas le mieux renseigné pour effectuer une visite guidée des lieux. Quant aux jeunes, vous les repérerez facilement: ils ont un médaillon comme le mien, ainsi qu'une épée tout deux d'argent. J'ignore ou ils sont allés exactement, mais je peux vous dire qu'ils sont susceptibles de se trouver dans n'importe quelle ville du Continent disposant d'un portail.

Le barde n'était pas sans savoir que l'Empire de Nilfgaard avait récemment fait installer des portails aux abords des villes, utilisables par tous contre un paiement que tous justement ne pouvaient pas se permettre, 50 florins aux dernières nouvelles. Ce qui restait peu pour un barde talentueux et surtout disposant d'un capital familial conséquent.

- Je pense que certains pourraient apparaître ici sous peu, la fête de la bière de la ville attire du monde... Enfin je peux me tromper évidemment.

- Je vois monsieur Charbon, enchanté.

Il semblerait qu'avec l'âge, monsieur Lmom'heo Baard perdait de son ouïe. Il se gratta cette fois-ci le crâne.

- Il est vrai que la fête de la bière va intéresser une multitude de personnes et avec un peu de chance, de nouveaux sorcelleurs.

Il s'arrêta quelques instants, caressant sa joue.

- Je pense que vous avez raison monsieur d'Aldersberg, je vais rester ici le temps de la fête de la bière, en espérant faire de sympathiques rencontres, toutefois... En échange d'une modeste somme ou bien d'un sublime récital, accepteriez-vous que je vous accompagne pour une petite aventure ? Une aventure d'une nuit si vous souhaitez. juste, vous et moi. Cela me permettra de connaître les sorcelleurs plus en profondeur.

Il faillit sourire au manquement sur son nom, qui était après tout chose heureuse qu'un barde n'en fasse pas la promotion, du moins n'en avait il pas besoin. En revanche ce fut son ouîe à lui qui semble t-il lui joua des tours, il compris en effet mal la dernière phrase du barde.

- Hein ?

Le sorceleur afficha une mine circonspecte quelques instants avant de ressaisir.

- Vous entendez de la chasse au monstre ?

Soit ce barde était extrêmement maladroit, soit... il ne préférait pas y penser.

Il leva un sourcil en l'air suite à cette question qu'il considérait comme stupide.

- Assurément, de quoi vouliez-vous que je parle d'autre ?.... Oh.

Il eut une soudaine révélation en tête.

- Écoutez, je comprends que je puisse être très séduisant et que vous aimez peut-être les hommes ayant l'âge de votre père mais.... Je ne suis point de ce bord là... C'est d’ailleurs assez étrange de se dire que des personnes chassant les monstres puissent eux-même en être au point d'aimer des personnes partageant leurs appareil génitaux.... Non pas que j'ai un problème avec les sodomites, loin de là mais... Tant qu'ils sont loin de mon fessier et de mon habitation, cela m'arrange. Non pas que j'ai un problème avec eux, la preuve, je continue de vous adresser la parole malgré votre penchant démonique !

Il s'éloigna de quelques pas du jeune sorcelleur.

- Je n'ai aucun problème avec votre attirance sexuelle mais sachez qu'il n'y aura rien entre nous, juste une relation... Entre hommes... Sans rapport charnel, nous sommes juste un groupe d'aventurier... Nous sommes bien d'accord ? Oh et je vous en supplie, ne m'appelez ni papa, ni père, cela me ferait sentir extrêmement mal à l'aise.

Cadron avait, malgré son jeune âge, vu beaucoup de choses. Certaines qui retourneraient le cerveau à qui serait amené à l'apprendre. Il avait vu mont et merveilles, déserts et mégapoles, des endroits ou la chaleur était étouffante et d'autres ou l'air était si froid que vous geliez rien qu'à son contact. Il avait parlé à des gens qui auraient pu provoquer des crises cardiaques à n'importe qui. Et pourtant aucune de ces expériences ne fut suffisante pour qu'il puisse prétendre avoir prévu la présente situation. Il était clairement gêné.

- Ah non non non ! Il y a un malentendu !

S'empressa t-il de dire en plaçant ses mains devant lui.

- Ce sont vos paroles qui m'ont laissé penser que. On ne sait jamais à qui on a à faire vous savez ! J'ai déjà entendu l'histoire d'un elfe de Novigrad qui aimait à se déguiser en tout et n'importe quoi alors je m'attends un peu à tout.

Il balaya l'air de sa main.

- Enfin oublions ça ! Et mes excuses !

Voilà pourquoi il préférait rester seul.

Il poussa un immense soupir de soulagement en déposant sa main contre son cœur.

- Vous me voyez rassurer, j'ai eu pendant quelques instants peur que vous soyez un sodomite adorant se mettre un certain type de boustifaille dans un orifice qui n'était pas fait pour de tel acte !

Il fit une nouvelle fois son plus beau sourire avant d'approcher son jolie minois du panneau.

- Vous avez donc choisit la quête que vous allez accomplir ? Allons-nous sauver la veuve et l'orphelin ? Ou bien allons-nous chasser des manticores ou peut-être que nous allons faire une partie de Gwent ?

Il soupira lui aussi, visiblement soulagé que le malentendu soit dissipé.

- Euh...

Fit il, cherchant un contrat sur le panneau qu'il zieutait depuis cinq minutes avant d'en décrocher un, tellement perturbé qu'il en aurait presque oublié d'utiliser ses mains.

- Celui là.

Une chasse aux nekkers, ce serait parfait. Mais il le mettait dans de beaux draps...  Ils se rendirent à la caserne centrale, munis du contrat.

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