Une ferme isolée

Ce n'était pas des traces à proprement parler, pas des traces de pas du moins, donc difficile à dire sans plus d'investigation pour Alban.

En s'approchant, ils peuvent voir par delà l'établissement, un jeune garçon tout de fourrure, avec d'assez longs cheveux noirs, traîner des animaux plus loin. Sans doute un des enfants de la famille tenant la ferme. Ce détail de passé, ils peuvent s'approcher de l'entrée et signaleur leur présence via les clochettes. Quelques instants ensuite, ils entendent quelqu'un accourir, non pas à la porte, mais apparemment à l'étage. Une tête blonde, un garçon à l'air béat, aux dents irrégulières tant dans leurs formes que dans leurs existences. Il les observe qu'un temps avant de crier :

- C'les sors'leur !! C'est les sors'leur !!

D'autres courent à leurs tours à l'étage, une autre tête blonde, aux longs cheveux cette fois, une fillette, puis encore une, plus jeune encore. C'est peu après que les pas s'entendent derrière la porte, qui finit par s'ouvrir et dévoiler celui qui doit le géniteur de ces garnements.

- Bien le bonjour.

Fait l'homme à Carmia la première visible, tandis que son regard dévie ensuite vers Alban, à l'écart, toujours monté.

- Vous v'nez pour le contrat, c'est cela ?

Blond, une barbe de plusieurs jours, des yeux d'un ciel azuréen, et un air mélange entre sérieux/grave et ahuri.

Il y avait plusieurs choses qui horripilait Carmia, les défaites, les nilfgaardiens, mais surtout les garnements. Ces petits têtes blondes beuglant à tout instant, frétillant sans pouvoir s'arrêter et entraîner les personnes se trouvant dans leur passage dans leurs jeux barbant, sous peine de subir leur colère. Cet agitation se déroulant à l'étage lui fera d'ailleurs regretter sa venue, avant qu'on ne lui ouvre la porte et que celle-ci révèle une carrure surmontée d'une tignasse blonde, il avait l'air un peu benêt. Cependant, elle n'était pas venue ici pour faire une introspection au sujet de la famille, mais plutôt des lieux qu'ils occupaient.  

- " Bonjour, nous venons pour le contrat. Pouvez-vous nous expliquer ce qu'il s'est passé ces derniers jours ici, et où surtout ? "

Alban reste sur sa monture mais se rapproche légèrement. Il doit sûrement renvoyer une image très sombre, portant une grande cape noire sur ses épaules afin de se protéger du froid. N'empêche qu'il regarde les mômes en souriant légèrement. L’innocence de ces petites têtes blondes ne peut que faire sourire. Il opine pour ce qui semble être le père de cette grande famille.

-C'est ça ... vous pourriez nous en dire plus sur la créature ? Du genre, laisse-t-elle des cadavres, si oui, à quoi ressemblent-ils ? Il y a-t-il des traces de pas quelque part ? Tout ce genre de choses qui nous permettraient d'identifier ce que nous allons avoir en face de nous vous voyez.

Il remet en place une mèche de cheveux rebelle, fixant l'homme de ses yeux de félin.

L'homme opine gravement de la tête.

- C'est d'puis trois jours, un peu après qu'ils aient commencé la constr... la constucrtion du village... On s'est réveillés trois fois, avec des moutons et tout, tout d'chiquetés... Des murs cassés, les barrières aussi... Il manquait d'z'organes, c'tait pas juste tué, c'était mangé... Dans la grange, dans la prairie, presque partout... On n'a pas vu de traces de pas... Les soldats qui ont enquêté non plus... Que du sang, et des bouts d'bêtes...Ptet à cause d'la neige ?...

Il jetait des regards autour. Une certaine peur semblait l'habiter, quoi de plus normal.

- Ils sont t'jours pas r'vnus de leur tours d'ailleurs...

La native de Piana écouta le récit avec une attention exemplaire et une assiduité qu'elle n'utilisait que peu de fois. S'il fallait qu'elle et Alban cherchent par leurs propres moyens la piste menant aux dévoreurs de bétail, il fallait absolument qu'elle ne perde pas une miette de son témoignage. Alors, après une mûre réflexion qui lui coûtera bien trente secondes de temps - si précieux soit-il - avant de déduire. Les traces longeant le chemin qu'ils avaient emprunté, peut-être était-il lié à ces attaques nocturnes. Dans tous les cas, elle fera part de ce constat à Alban :

- " Les traces sinueuses qu'on a vu près du chemin, peut-être devrions-nous les suivre pour trouver où ce cache la ou les bêtes "

Ces descriptions associées aux traces vues dans la neige parlaient-elles à l'apprenti sorceleur ? Il opine pour Carmia, stabilisant sa monture qui faisait preuve d'un peu d'indiscipline.

-Ca me parrait être un bon plan, fais attention par contre, reste sur tes gardes. Ah et, j'ai plus de médaillon, donc si le tiens vibre, préviens moi.

Sur ce, il descend de son cheval et l'attache par la bride au premier endroit qui lui semble adapté à cet effet.

-On continue à pieds, vaut mieux ça que de se retrouver avec nos deux chevaux qui s'enfuient dans la nature.

Sur ce il se retourne sans dire un mot de plus au fermier, il s'en va à la recherche de ses traces sinueuses dans la neige.

L'absence de cavité sur le voile blanc revêtant les plaines l'intriguait vraiment, tout comme cela l'agaçait. Elle était interloquée par la constatation qu'ils venaient tous les deux de faire : pas un indice n'était disséminé en ces lieux, il s'agissait en excluant les charognes des pauvres bêtes, d'un crime et carnage parfait. Alors, se tournant vers son cadet, qui avait eu à son grand désarroi plus d'expérience dans le domaine, elle lui confia ses suppositions pour le moins farfelues :

- " Tu penses qu'il peut s'agir d'une bête ailée ? Parce-que là je ne constate aucune trace de pas, ni d'allée, ni de retour "

Il hausse les épaules.

-J'en sais trop rien ... en tout cas, c'est pas un griffon ! C'est tout ce que je sais.

Il continue de cherche des traces, s'aventurant un peu plus loin que ne l'a fait Carmia, il ne perd pas espoir, il finira bien par trouver.

La mutante en avait marre de renifler une odeur aussi fétide, putride, voir même ordurière que celle-ci. Cette enquête ne l'avait mené qu'à un morceau de chair que reluquait Alban. Elle lancera un coup d'oeil à celui-ci pour en déduire que lui aussi semblait dans une impasse. Un élément leur échappait des mains, mais lequel ?

- " Hmm... "

Si la dévastation et la casse slalomait ailleurs que dans les endroits déjà passé au crible, elle les suivra, sinon, elle continuera son entreprise et pistera à l'aide de son odorat les traces de sang. La persévérance, c'est un concept qu'elle connaissait relativement bien.

-C'est à n'y rien comprendre ...

Dans le doute, il active sa vue éthérée, peut être que ce don allait lui servir, pour une fois.

Alban se rapproche donc de ce curieux objet, intrigué. Il le regarde sous tout les angles et tente même de le prendre avec ses doigts eux bien réels. Il fait signe à Carmia de se rapprocher.

-Carmia, ta vue éthérée ! Je crois bien qu'on aie pas affaire à quelque chose de réellement matériel ...

Les diverses invitations d'Alban la firent réagir au quart de tour. Pivotant sur ses gonds, elle s'approchera de l'endroit qu'il lui indiquait afin d'actionner sa vision éthérée qu'elle n'avait que trop peu utilisé. Elle nappera de son regard la particule intangible que son cadet tentait de s'accaparer :

- " Un spectre tu crois ? Ça tombe mal, j'ai horreur de ce genre de conneries "

Il s'en va vers l'entrée de la grande, à la recherche d'un autre lambeau fantomatique.

-Disons que j'ai des relations particulières avec eux ... Mais celui ça ne m'a pas l'air amical du tout ... Faut voir si on peut pas le pister ... essaye de trouver d'autres morceaux comme ça, ça mène peut être quelque part !

Soudain, lorsqu'elle vit la parcelle éthérée s'évaporer sous ses yeux, son sang ne fit qu'un tour et aussitôt Carmia se mit en alerte. Tentant d'être au aguets pour débusquer une autre trace de passage du monstre qui semblait sévir sur une autre dimension qu'eux, elle dévisagera chaque fissure qu'elle croisait sur son chemin, chaque coin de la pièce, chaque particule jonchant le sol ou les parois. D'habitude rustre et peu enclin à la délicatesse, la jeune femme s'efforça à faire ressortir son côté minimaliste du tréfonds de son être, celui-ci était si bien enfoui...

- " C'est ce que je fais "