Un couloir

Elle les regarda tour à tour, de plus en plus suspicieuse, et fit finalement un pas sur le côté, bloquant le passage à Eadwacer, qu'elle fixe avec insistance désormais, un sourcil haussé.

- Qu'est-ce qu'il veut dire par "Tu... es sérieux Eadwacer ??" ?... Tu ne serais pas sérieux, à tout hasard, Ead' ?

Ses bras se croisent sous la poitrine, lui conférant un air faussement autoritaire.

Il s'arrêta alors à quelques instants de cogner la jeune fille par mégarde. Il eut un petit rire, tournant la tête vers elle.

"Voyons, Banya, je ne sais pas de quoi vous parlez !", répliqua-t-il, se retournant vers Kantz pour le fusiller du regard.

Se débattant avec peine de l'autorité sortie de nul part de Banya, il se décala dans l'optique de s'en aller.

Voilà que maintenant Eadwacer ne comptait vraisemblablement pas assumer sa médiocrité en essayant en plus de le faire passer pour un fou. Vivre une situation embarrassante à cause d'un "camarade" était une chose cependant que celui-ci ne se contente de l'enfoncer en était une autre. La moutarde commençait à sérieusement lui monter au nez et le jeune adolescent, qui d'ordinaire était la manifestation de la retenue et du calme, luttait difficilement contre ce ressenti et surtout contre l'envie de mettre une grosse gifle patriarcale à cet impudent.

-Il n'assume pas même ses pulsions de détraqué !

Fini les bégaiements et la gêne ressentie, car peut être pour la première de la journée, où même de la semaine si l'on considérait le fait qu'il ne pipait bien souvent pas mots, le rat de bibliothèque venait de prononcer une phrase entière.

Elle ne se replacera pas devant Eadwacer, trop occupée à grimacer avec dégoût en entendant la remarque de Kantz.

- Keske...

On aurait dit que les bégaiements de Kantz étaient passés d'une personne à l'autre, puisque c'était au tour d'Eadwacer de perdre ses mots.

"Mais ... T-Tout le monde fait ça ...", avoua-t-il à demi-voix.

Il baissa les yeux, honteux, et découvert.

-Non tout le monde ne fait pas ça non !

Répliqua-t-il de la même voix que précédemment. Le tonnerre grondait et l'orage approchait, car dans sa réalité il n'était nulle question de normalité: le mage noir ne pouvait un seul instant concevoir un tel rapport d'intimité entre hommes et femmes possible et somme toute ... logique bien au contraire. Il n'y avait rien de rationnel à ce qu'il avait entre aperçu quelques instants auparavant dans les toilettes et il cherchait aucune logique à cela hormis le geste ou plutôt les pulsions d'un détraqué ne pouvant être contenu.

Banya était témoin impuissante de la scène. Elle n'avait en réalité pas fichtre idée de ce dont ils parlaient. Trop pure ou trop bête...

- M-mais, mais, mais... de quoi vous parlez ?!

Puisque le sans gêne fuyait cette conversation, l'orage de Dûn Dare continua sur sa lancée mais avec seulement sa comparse elfe pour l'écouter, ce qui ainsi ne pouvait que faciliter l'échange: Eadwacer ne serait plus là pour lui mettre des bâtons dans les roues et tenter de le discréditer de sa faute.

-Il est venu dans la salle de bain des garçons avec une fille pour y faire des trucs pas nets !

Son coeur qui tantôt faisait des siennes dans le dortoir féminin n'avait guère pour projet de se calmer, de laisser place à l'accalmie, d'offrir à sa maîtresse un peu de repos. Cette dernière, elle se démenait depuis bientôt dix minutes, tout ça pour trouver une personne quelconque, qui sans doute n'était pas là - du fait de l'heure vespérale -. Carmia, le minois en nage et sa chevelure en bataille, elle était à l'affût du moindre mouvement pouvant se déclarer dans les horizons. Aux aguets, elle continuait sa ronde, des cernes feintant une fatigue remarquable. Sa bouche restait entrouverte, mais sans explication, puisqu'aucune syllabe ne vint résonner dans les méandres de ce château. Du moins, ça, c'était jusqu'à ce que l'angoisse de perdre tout espoir de retrouver cet individu ne se déclare, lui faisant occulter qu'au beau milieu de la nuit certains tentaient de charmer Morphée :

- " Dragieb ! Où est-ce que t'es ?! "