Les dortoirs féminins

Pourtant Violette était toujours dans son lit mais était prise d'un singulier cauchemar mais qui n'était pas dénué de sens. Un souvenir qui était cauchemardesque. Mais là, rien de nouveau. Elle se réveilla d'un coup, directement en position assise sur le lit.

Un sentiment de manque s'emparait d'elle mais en aucun cas celui-ci ne lui viendrait pour le départ de Valaar Morvid, s'orientant naturellement vers un autre personnage beaucoup moins âgé.

- Ead..

Elle posa sa main vers sa poitrine et fronça les sourcils quelques secondes. Un écho étrange la parcourrait et qui ne lui était pas venu auparavant.

Ne se posant pas plus de questions, elle décida de sortir du lit en baillant à cause de l'heure tardive pour se
diriger vers la porte.

Elle ne jugea pas utile de regarder autour d'elle pensant que ce sentiment n'était que de son chef. Pourtant son amulette vrombissait aussi dans sa poche et elle sortit dans le couloir comme une camarade.

Pas un bruit. D'habitude, ce lieu est source d'un capharnaüm sans nom, un tintamarre effrayant. Les enfants à l'origine ont  déjà un tempérament très énergique, mais ceux de Kaer Morhen encore plus, à tel point que certains rendraient fous un jeune couple si ces derniers devaient garder ne serait-ce qu'un sorceleur. Mais, après tout, n'est-ce pas légitime de laisser à ces garnements une once de liberté ? Un temps pour se défouler ? Leurs tourments peuvent bien être apaisés avec ce maigre réconfort. Encore une fois, nous nous égarons. Nous parlions du bruit. Celui-ci est porté disparu dans le dortoir des filles. Est-ce l'heure tardive qui l'a effacé comme le Soleil fut effacé par l'horizon durant le crépuscule ? Est-ce tout simplement le hasard qui a décidé en cette nuit de juin d'agir ? Tant d'interrogations qui semble-t-il, resteront sans réponse...

Malgré le silence catatonique qui règne en ces lieux, ce dernier n'est pas dénué de population. Qu'importe le nombre de personnes qui l'occupent en ce moment, une seule nous intéresse pour l'instant. Ce n'est plus une enfant, ce cap, elle l'a passée il y a bien longtemps.
Le calme constatatif, il pourrait presque permettre aux autres occupantes d'entendre un son bien distinct, puisque c'est le seul audible ; un coeur battant la chamade. Ce dernier manque à plusieurs reprises de se rompre, la propriétaire de ce dernier n'aurait guère apprécié de perdre ainsi la vie, dans des conditions aussi piteuses que celles-ci. D'ailleurs, pourquoi ce coeur s'émoustille à ce point ? Quel facteur en est à l'origine ? Il semble que celui-ci ne soit pas tangible, pas perceptible aux premiers abords, peut-être est-il lié au monde onirique de la demoiselle ? Pour le savoir, il ne reste plus qu'à plonger dedans, et espérer ne pas s'y noyer, ses songes semblent si agitées...

Pour le moment, tout à l'air très anodin. Une jeune rousse vaque à ses occupations dans une ruelle d'une ville quelconque pour nous, lecteur, mais importante pour elle, protagoniste. Piana, c'est le nom de la bourgade, une consonance subtile et raffinée pour une femme grave. La lumière du Soleil commence déjà à décliner, créant une nitescence magnifique à admirer sur les pavés, les toitures et toutes les autres infrastructures observables. Cette Pianienne, au fur et à mesure que son pas se fait décidé, elle rajeunit, perdant de son assurance, gagnant en candeur. Sa main gauche, trottant dans le vide, vient se lever spontanément, venant s'accrocher et prendre appui dans une autre main, bien plus grande que la sienne. Sans même se retourner, sans même pivoter ce frêle et menu coup, elle savait qu'elle apercevrait à sa gauche une personne aimée, celle que l'on tient en estime de la petite enfance, à la fin. Elle savait que ce sourire qu'elle enviait tant serait sur ces lèvres si gracieuses, et que son teint n'aurait pas terni d'une once, et serait toujours blême, mais incroyablement vivace.  

- " M'man ! "

Un ton enjoué délivra cette simple parole, une parole mielleuse destinée à un être parfait. Cette créature qu'elle n'avait pourtant pas regardée jusque là, elle lui répondit :

- " Oui, nous sommes bientôt arrivées, sois sage Carm-"

Cette rupture brutale signifiait-elle que son rêve était terminé ? Cela ne semblait pas être le cas, puisque étrangement, sa songe se faisait plus matérielle, plus réelle. Cette interruption orale, cela n'occultait rien de bon, c'était même signe de mauvaise augure. Quel était cette peur qui au fond de son coeur, l'empêchait d'admirer sa source de bonheur ? Que dis-je, cette peur fut éphémère, puisqu'en un claquement de doigts, la petite regarda.

Une mère égorgée, un homme aliéné, une ruelle désertée, une petite fille en danger. Soudent, malgré ce corps d'empreint, une voix mature vint accuser le trouble fait :

- Alors c'est toi, fils de pute. T'es où, dis-moi où tu croupis en ce moment, que je vienne de buter comme le chien que t'es, MONTRES TOI !

L'homme, immaculé de sang, lui rendit un sourire veule, ainsi que des paroles bien singulières :

- " Vas le demander à Dragieb, je t'attend sale peste... Mais fais vite, peut-être aura-t-il déjà disparu demain matin, tout arrive si vite... "

Si vite oui, si bien que son rêve ne s'arrêta trop rapidement à son goût pour que la jeune émérite ne puisse s'assurer de ces paroles, et de leur sens bien inquiétant.
Le front garni de sueur et de questionnements, Carmia ne perdit pas un instant :

- " Merde.. "

Sur ce mot si propre à son vocabulaire, elle se redressa, se leva, et le seuil de ce dortoir, elle en franchit le pas.