Une place excentrée

Ce n'était pas une ligne droite qui menait à la destination de Meryn, il fallait parfois tourner, et bifurquer de diverses façons, comme ce fut le cas, dans cette rue escarpée, où la flotte rendait la marche difficile, les pavés sur un terrain en pente rendant les pas glissants, incertains. Pas un problème pour quiconque de bien équipé, et sachant tenir son équilibre. Pas trop un problème pour la chapardeuse non plus, elle avait su prendre l'habitude des lieux avec son temps passé ici. Le terrain ne la surprendrait pas, mais alors qu'elle tournait pour continuer sa filature, elle fut accueillie par le fil d'une épée d'acier, brillante de par les runes moult runes apposées dessus, elle avait tout l'heur de les admirer du coin de l’œil, la lame dansant immobile avec les millimètres la séparant de la gorge de Clovara.

- Ce n'est pas très poli, de suivre ainsi les gens ma cocotte, hnn ?

Les traits durs de l'homme semblant approcher la quarantaine, s'étaient durcis davantage. Sourcils froncés, regard aiguisé, et bouche en une moue agressive.

- Oh... Merde.

Une goutte de sueur perlant sur son front, la téméraire petite adolescente lève les bras en l'air comme un signe de reddition.

- Démasquée ahah...

Quelqu'un de bien avisé pourrait y voir une forme d'indécence dans sa manière de s'exprimer. Voir de l'insolence ou de la défiance. Il faut dire qu'il y'a beaucoup de chose qu'elle essaye d'arranger par l'humour et trop souvent, elle profite de son propre caractère.

- J'en attendais pas moins d'un Sorceleur de toute manière ! C'était le minimum.

Enfin... Elle n'est pas non plus folle.

- Vous allez pas me tuer hein... ?

Un sourire goguenard, s'il n'était pas sardonique, se profila sur le visage de Meryn. Il dévoila ses incisives et canines aiguisées, et prit de nouveau la parole, sans se montrer particulièrement réceptif aux traits d'esprit de la fillette.

- Ce serait fâcheux, n'est-ce pas ?

Répondit-il, ne retirant étrangement pas la lame menaçant la vie de la chapardeuse.

- Ça m'embêterait beaucoup en tout cas de mourir ici. Mais je pense pas que vous ayez le droit non plus.

Il est peut être peu judicieux pour elle de jouer a ce petit jeu la compte tenu de la situation. Sous la pluie, de nuit qui plus est, pas grand monde pourrait voir un meurtre. Néanmoins par mesure de précaution elle observe furtivement si une fenêtre quelque part est ouverte et si quelqu'un peut les voir. En toute honnêteté elle ne pense pas que le Sorceleur l'a tuera ou lui fera un quelconque mal même si elle ne peut pas en être certaine.

- Pourquoi ça, tu as de grandes choses à accomplir ?

Comme pour dire que la vie n'était méritée qu'à ceux accomplissant des choses. Peut-être n'était-ce qu'un test, ou une façon dérobée de connaître les intentions de ce qui lui sembla être - avec de grandes chances du moins -, une enfant des rues. Quelque chose de peu rare à Novigrad, ou où que ce soit ailleurs, mais était plus rare les orphelins aux yeux rivés sur monts, depuis la bassesse de leur état. En outre, il occulta la seconde partie de la phrase de la chapardeuse, il n'y avait de toutes les façons personne ici pour la sauver ou témoigner.

- Non pas vraiment, enfin, je crois pas ?

Doucement elle baisse sa main en direction de ses cheveux pour se gratter la tete. Visiblement elle n'aspirait pas non plus a énormément de chose, enfin si, mais elle n'est pas du genre a se confier au premier inconnu qu'elle rencontre. Et heureusement.

- Je veux juste voir comment un Sorceleur fait son taff.

La Chapardeuse semble assez familière, un peu trop facilement suivant le gout de chacun. Qui plus est, il est évident qu'il y'a des raisons supplémentaire même si c'est une part de vérité.

La mascarade ayant assez durée, il retira sa lame, et la rangea dans son fourreau. Avant de tourner le dos, et reprendre sa marche, si elle décidait de le suivre, il parlerait, sans s'insurger de sa présence.

- Et à quoi cela te servirait, en manque de sensations fortes gamine ?

Si c'était cela, elle serait déçue par la première partie, sans doute.

- Bof, un peu de ça mais je veux surtout voir a quoi va se résumer mon futur métier.

En effet elle se décide clairement a le suivre, derrière lui, en croisant les bras.

- Je suis plus dans la pratique que dans la théorie m'voyez ?

Meryn gloussa avec narquoiserie.

- Ce n'est pas un métier que l'on choisit...

La marche continuait, ils étaient encore loin.

- Connais-tu ton âge, gamine ?

Pour ce que cela pouvait impliquer...

- Et pourquoi pas ? Y'en faut bien pour défoncer les monstres qui menace les petits villages.

Oui, elle ose demander en fronçant les sourcils.

- J'ai 14 ans.

De ce qu'elle sait en tout cas, n'ayant pas tout ses souvenirs.

- C'est ainsi.

D'une tonalité subtilement plus grave.

- Toutefois, il n'y a jamais trop de chasseurs de monstres, pour un monde comme celui-ci, n'est-ce pas...

Jetant un regard en arrière sur la blondinette. Si elle était bel et bien une orpheline, et qu'elle voulait de cette vie - même sans savoir ce que cela représentait -, il pourrait peut-être la gratifier de cela. C'était mieux que de finir prostituée du Lacis... Après avoir entendu ses paroles, il s'arrêtera devant un bâtiment quelque peu officiel.

- Attends moi là.

Lui intimera-t-il, bien qu'il ne s'imaginait pas la voir s'en aller. Au moins, cela lui indiquait qu'elle n'avait pas à le suivre à l'intérieur.

C'était une petite bâtisse militaire, il n'y avait pas grand chose d'autre à en deviner. Et effectivement deux fenêtres assez hautes, protégées par des barreaux, sur lesquelles elle pouvait s'agripper pour chopper une bribe de ce qu'il se passait à l'intérieur : le sorceleur, sortant l'affiche récupérée plus tôt, et la posant sur une sorte de comptoir, et conversant avec un homme vêtu d'un poitrail en cuir, d'épaulettes en acier noir, le reste de l'armure étant entreposée sur un support ailleurs dans la pièce. Ils parlèrent, pendant une trentaine de secondes, et le mutant reprit l'affiche, et tourna les talons pour sortir. La porte pivota sur ses gonds, Meryn sortit, puis elle pivota à nouveau pour se fermer.

- La curiosité est un vilain défaut, comment tu t'appelles ?

Il prenait déjà le chemin inverse, sans accorder de regards à la fillette.

La jeune fille devine très rapidement que l'échange avait donc pour but d'officialiser le contrat pour la récompense. Visiblement, on pouvait rien lui cacher, même si elle avait prit le temps de revenir a sa place entre le moment ou il est sorti et le moment ou il a récupéré son affiche.

- Clovara et vous ?

Elle a l'impression claire et net qu'on ne l'a prend pas au sérieux, c'est du moins ainsi qu'elle le ressent, elle presse le pas pour marcher a coté de lui et non derrière lui.

- Alors vous êtes obligé de faire ce métier, vous ? Pourquoi ?

En référence directe avec ses paroles plus tôt.

Les bruits des barreaux accablés par le poids de la gamine, n'étaient effectivement pas passés inaperçus.

- Meryn.

Et peut-être avait-elle raison, les enfants étaient rarement pris au sérieux dans ce monde.

- Ce sera peut-être une histoire, pour une autre fois, Clovara.

Lui non plus, n'était pas du genre à étaler sa vie au premier venu. Puis, sans attendre sa réponse, il embraya.

- Je vais retourner à Kaer Morhen, devinant vite qu'elle pouvait lui demander ce que c'était, puisqu'elle ne semblait pas connaître grand chose, il enchaîna par ceci : c'est le château où "vivent" les sorceleurs.

Faisant plutôt simple en somme.

- Tu es orpheline, n'est-ce pas ?

Naturellement, il ne l'emmènerait pas si ce n'était pas le cas. Il préféra poser la question, bien que la réponse lui semblait déjà évidente.

- Ouais je le suis, orpheline, si vous voulez m'emmener a Kaer machin, j'ai tout le temps pour écouter votre histoire du coup.

Maligne celle la, enfin, elle ne sait absolument pas ou se trouve Kaer Morhen, tant bien c'était la porte a coté et dans ce cas la, elle aurait l'air bien bête. Il y'en faut plus pour qu'elle abandonne, hors de question de simplement s'en aller comme ça.

- Mais on va faire votre contrat avant ça.... n'eeest-ce pas ?

- Tu l'écouteras si tu survies.

Il parlait de l'épreuve des herbes, dont la fillette ne devait sans doute pas savoir grand chose.

- Je vais faire le contrat, toi tu vas attendre mon retour ici.

Répondit Meryn tout simplement.

- Laissez moi venir avec vous, ça me fera une première approche m'voyez ? C'est toujours bien de savoir dans quoi on met les pieds, allez !

De toute façon que ce soit un refus ou non, elle suivra quoi qu'il arrive. Elle a attendu trop longtemps pour patienter encore quelques minutes ou heures de plus.

- C'est quoi votre monstre ? Un Nécrophage ?

- ...

Il continua à descendre les rues.

- Tu verras.

Ce qui signifiait ce que cela signifiait.

Ce qui parvient à arracher un soufflement du nez d'amusement au sorceleur. Il ne l'aidera pas - si ce n'était en gardant le cheval calme -, et il lui faudra bien plusieurs tentatives, et de longues secondes avant de se retrouver derrière lui. Cela fait, ils embarqueront, et passeront les différentes douves protégeant la cité, pour se retrouver dans les étendues Rédanienne. Enfin, "étendues", c'était un bien grand mot, car c'est assez vite qu'ils se dirigeront vers les les côtes Ouest, au Nord de la ville, atteignant au bout d'une demi-heure environ leur destination : des quais de pêcheurs, naturellement désertés. Meryn, à une distance certaine, arrêta son cheval et descendit, intimant à Clovara de faire de même. S'éloigna ensuite avec la monture des routes, et l'attacha à l'endroit qui lui semblait le moins dangereux pour l'équidé : à moitié dans un bois parsemé, à moitié dans ce qui en était une clairière. Il décrocha une arbalète, une arme assez lourde pour un enfant, mais légère et tenable d'une main pour l'adulte, puis un carquois fait de carreaux d'argent.

- Viens.

Dit-il, d'un mouvement de tête, "proposant" sans chercher accord, à la fillette de passer devant.